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[TRIBUNE LIBRE] Dr Dieudonné Munzangala-Munziewu : De la légitimité du Référendum du 16 novembre 2024

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Dans la présente tribune, l’auteur bat en brèche la thèse de l’illégitimité du référendum du 16 novembre 2024, qui a permis au peuple souverain du Gabon de valider le projet de nouvelle Constitution, qui lui était soumis par les autorités de la transition. 

Il n’y a guère de doute sur le lien entre le système démocratique et le référendum comme fait politique. Il n’est que de penser, pour s’en convaincre, à la formule fameuse d’Abraham Lincoln définissant la démocratie comme « le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». Se pose ici la question de la légitimité du peuple à se gouverner lui-même, ainsi que le suggère l’étymologie grecque de « démocratie » : le pouvoir (kratos) du peuple (demos). C’est à ce niveau que la démocratie intègre l’idée de référendum, du latin (ad referendum), c’est-à-dire ce qui est à rapporter (referrer) à l’autorité du souverain qu’est le peuple, ultime juge devant trancher (referre ad judicem).

En effet, pour donner une nouvelle impulsion au vivre-ensemble et instaurer collectivement « une communauté porteuse de valeurs » (cf. Jean Ladrière, « le citoyen, le pouvoir politique et l’administration. Réflexions sur la démocratie », in F. Delpérée, La participation directe du citoyen à la vie politique et administrative, Bruxelles, Bruylant, 1986, p. 47), quoi de plus légitime que de s’en référer audit souverain – le peuple gabonais –, appelé à se prononcer (rejeter ou approuver) sur le projet de Constitution, somme toute largement inspirée des recommandations du Dialogue national inclusif (DNI) d’avril 2024 ? Le peuple ne s’est pas déjugé. Au lendemain du référendum du 16 novembre 2024, la sentence est tombée : 91,64% des jurés disent OUI. Constitution adoptée.

A l’évidence, du DNI à l’adoption de ce texte devenu le référent politico-juridique fondamental en République gabonaise, c’est un processus qui aura illustré ce que Paul Ricœur dit de « la démocratie », à savoir un « régime dans lequel la participation à la décision est assurée à un nombre toujours plus grand de citoyens » (cf. « Ethique et politique », in Esprit, n°101, mai 1985, p. 10). Les droits politiques de participation des Gabonais à la res publica ont été observés ; ils se sont massivement prononcés en faveur de la Constitution qui leur a été proposée, laquelle s’impose désormais à tous.

Ainsi, les Gabonais confèrent à l’action politique des autorités de la Transition la légitimité de conduire la société gabonaise vers un Gabon meilleur, c’est-à-dire plus respectueux (qu’il ne l’a été jusqu’ici !) de l’Etat de droit, donc des libertés publiques et droits fondamentaux des citoyens. En considérant leur vivre-ensemble, on pourrait dire avec Jürgen Habermas qui, commentant la réunification de l’Allemagne, avait parlé d’un « acte fondateur [qui] ne peut être accompli qu’en volonté et en conscience », qu’un « esprit universaliste des droits du citoyen » souffle sur la communauté politique (cf. Ecrits politiques, trad. C. Bouchindhomme et R. Rochlitz, Paris, Cerf, 1990, pp. 256 et 258).

Dans le cas du Gabon, les citoyens ont volontairement accordé leur confiance (au sens latin de foi partagée entre concitoyens dans un avenir commun qui transcende la diversité de l’ethnos) au nouveau régime, à la fois pour les conduire vers cet idéal, d’une part, et donner un esprit nouveau au peuple (demos) en améliorant leurs conditions de vie, afin d’impulser une dynamique nouvelle au pays, d’autre part. E pluribus unum : l’unité de la nation gabonaise à partir (ou en dépit) de la pluralité ethnolinguistique.

Sur le plan juridique, cette philosophie démocratique s’incarne dans la notion de souveraineté du peuple gabonais qui s’est prononcé par voie référendaire : « Le Peuple gabonais, conscient de sa responsabilité devant Dieu, ses Ancêtres et l’Histoire ; porté par l’esprit du 30 août 2023, entend reprendre sa marche vers l’édification d’un Etat de droit garant des droits et libertés fondamentaux ; (…) animé de la volonté d’assurer son indépendance et son unité, d’organiser la vie commune d’après les principes de la souveraineté nationale, de la séparation des pouvoirs, de la démocratie pluraliste et participative, fondés sur la tenue d’élections libres et transparentes, de la justice sociale et de l’Etat de droit… » (cf. Préambule du nouveau Texte fondamental).

En clair, cette Constitution a pour fondement légitime les citoyens constitués en corps, lequel a tranché démocratiquement pour un espace politique intersubjectif et ouvert. Pour parler comme Georges Burdeau, le référendum n’est autre que « l’officialisation d’une idée de droit tenue pour l’inspiratrice de l’ordre social à réaliser » (cf. « Une survivance : la notion de Constitution », in Etudes en l’honneur d’Achille Mestre, Paris, Sirey, 1956, p. 57). Par conséquent, il ne s’agit pas d’un acte banal ou d’une révision constitutionnelle à huis clos, entre gens introduits et guindés de la société (parlement, gouvernement, haute administration…), mais d’un référendum constituant requérant, pour plus de légitimité, la sentence de l’ultime juge qu’est le peuple gabonais lui-même. La procédure référendaire est alors le meilleur moyen de rencontrer l’assentiment du peuple qui, par la solennité d’une telle opération, fait corps avec ses valeurs et ses aspirations profondes : l’ordre axiologique (les valeurs sociales) inspire l’ordre politico-juridique et institutionnel (la Constitution, les lois, règlements, etc.). Tous les actes de la vie publique procèdent dorénavant, directement ou indirectement, de ses prescriptions.

Visiblement, c’est un texte qui a vocation à porter des principes culturels fondamentaux de la société gabonaise (cf. Article 25 : « La famille est la cellule de base naturelle de la société. Le mariage, union entre deux personnes de sexe opposé, en est le support légitime. Ils sont placés sous la protection de l’Etat »), ainsi que des normes juridiques relativement universelles comme « les droits inviolables et imprescriptibles de l’Homme, qui lient obligatoirement les pouvoirs publics » (cf. Article 10). Ce dispositif normatif, on en conviendra, est celui d’une communauté politique qui, dirait-on, se donne par consentement mutuel (mutuus consensus) les outils de son autodétermination. Par exemple, autant il fut aisé de trouver un Accord sur une généralité du type « Chaque citoyen a le devoir de défendre la patrie » (cf. Article 27), autant son versant pratique exigea davantage d’opiniâtreté de ses partisans pendant le DNI, à savoir la réintroduction du « service militaire obligatoire pour les Gabonais des deux sexes, dans les conditions fixées par la loi » dans la Constitution (Idem). En filigrane, la formule de Horace qui, galvanisant la jeunesse romaine à imiter le patriotisme guerrier de ses ancêtres, déclare : dulce et decorum pro patria mori, « Il est doux et beau de mourir pour la patrie » (cf. Odes, III, 2, 13).

En définitive, le référendum constituant du 16 novembre 2024 est donc un acte de légitimité du demos qui transfère son kratos au régime en place depuis le 30 août 2023 pour agir en son nom. Le toilettage actuel du Code électoral s’inscrit dans l’horizon d’une meilleure représentativité politique par des « élections libres et   transparentes ». La crédibilité de la Transition est à ce prix.

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