Plébiscité à 94,85 % lors du scrutin du 12 avril 2025, Brice Clotaire Oligui Nguema incarne une figure de rassemblement au-dessus des clivages partisans. Alors pourquoi créer un parti ?
Le samedi 21 juin 2025, le président de la République a annoncé la création de son propre parti politique. « Le suffrage universel que vous m’avez accordé exige désormais la mise en place d’un outil politique fédérateur », a-t-il déclaré. L’assemblée générale constitutive est prévue le samedi 28 juin au Palais des Sports de Libreville. Mais cette annonce interroge : était-ce vraiment nécessaire ? Était-ce urgent ? Rien n’est moins sûr.
Un acte politique sans demande
En politique, on agit pour répondre à une demande, résoudre un problème ou porter une cause. Or, Brice Clotaire Oligui Nguema a déjà été massivement plébiscité par le peuple, à 94,85 %, sans aucun appareil politique. Il n’était ni un chef de parti, ni un leader de clan. Il a été choisi comme un aimant, non comme un partisan, porté par une volonté populaire de rupture, au-delà des couleurs et des sigles. Depuis sa prise de pouvoir, sa gouvernance est inclusive, sans exclusion, sans esprit partisan. Créer un parti maintenant, c’est s’embrigader dans une logique idéologique et, donc, risquer de mettre de côté une partie du peuple.
Le spectre du parti unique ?
Il faut le dire : aucune force politique ne s’oppose à lui. Même le Parti démocratique gabonais (PDG), pourtant évincé du pouvoir, lui a déclaré son soutien. En créant un parti, Oligui Nguema ouvre une dynamique où tous les autres vont se vider pour le rejoindre. Ce sera la ruée vers l’opportunisme, la reconstitution d’un parti unique de fait, avec son lot de ralliements stratégiques, de jeux de positionnement et de trahisons.
Risque des clans et de la discorde
Les vieux barons du PDG — tels que Paul Biyoghe Mba, Daniel Ona Ondo, Charles Mve Ella, René Ndemezo’Obiang, Emmanuel Ondo Methogo, David Ella Mintsa, Guy Patrick Obiang Ndong, Guy Bertrand Mapangou, Jean Bosco Ndjounga, Françoise Assengone, etc. qui ont quitté le navire ces derniers mois — seront certainement parmi les premiers à se repositionner dans la nouvelle structure. Mais comment gérer les tensions entre anciens du PDG et nouveaux venus, avides de pouvoir ? Ne risque-t-on pas de voir émerger des guerres de clans, des conflits d’argent, des rivalités internes stériles ?
Une guerre des chiffonniers évitable
Le peuple gabonais en a assez des partis synonymes de divisions, de querelles intestines, de calculs personnels. Oligui Nguema a été élu pour en finir avec cette politique de bas étage. En créant un parti, il entre pourtant dans ce même jeu. Or, il n’en a pas besoin. Il a déjà la majorité du peuple. Il devrait rester au-dessus de la mêlée, en véritable arbitre, en homme d’État. Créer un parti à ce moment précis, ce n’est ni urgent, ni utile. C’est une décision qui pourrait raviver les tensions, affaiblir les autres forces alliées et, surtout, diluer l’image de rassembleur que le président incarnait jusqu’ici. Le Gabon a voté pour un homme, pas pour un appareil. Et cet homme n’avait pas besoin de parti.