En votant, le 17 juin 2025, une loi qui oblige chaque parti à prouver l’adhésion de 12 000 membres dotés d’un Numéro d’identification personnel (NIP), l’Assemblée nationale lance le chantier le plus radical jamais entrepris contre la « jungle partisane » : place aux formations ancrées dans la société, exit les “partis-mallettes”.
Adoptée le 17 juin 2025 par l’Assemblée nationale, la nouvelle loi sur les partis politiques marque une rupture majeure dans la vie démocratique gabonaise. Le texte redéfinit les conditions de création, d’organisation et de financement des partis. Il impose, à chaque formation, d’avoir au moins 12 000 adhérents identifiés par un Numéro d’identification personnel (NIP), un siège physique clairement établi et un compte bancaire actif. Toute formation absente à deux scrutins successifs d’une même nature perdra son statut légal. Un contrôle annuel des comptes est désormais confié à la Cour des comptes, pour garantir plus de transparence et prévenir les financements occultes. Plusieurs députés de la Transition saluent une réforme « historique », destinée à distinguer les vrais partis politiques des simples coquilles vides.
Une volonté politique assumée
Cette réforme traduit une volonté ferme des autorités de transition de clarifier le paysage partisan. Depuis la fin du régime Bongo le 30 août 2023, le gouvernement s’est engagé à refonder le système politique sur des bases plus solides. À l’approche des élections législatives et locales prévues en septembre et octobre 2025, cette loi vise à renforcer la crédibilité du jeu électoral. Le ministre de l’Intérieur, qui a porté le texte, estime que seuls les partis ayant un réel enracinement dans la société peuvent prétendre concourir au suffrage.
Pour lui, il s’agit aussi de restaurer la confiance des citoyens dans des institutions souvent discréditées. En conditionnant toute subvention à un audit rigoureux, le gouvernement veut aussi mettre fin à l’opacité du financement politique.
Réactions partagées
Comme on pouvait s’y attendre, la réforme divise la classe politique. Des partis solidement installés comme le Parti démocratique gabonais (PDG) ou le Centre des libéraux réformateurs (CLR) la saluent comme une avancée nécessaire face à la prolifération de partis sans base réelle. D’autres, notamment parmi les petites formations, dénoncent une « loi d’exclusion » conçue, selon eux, pour limiter l’alternative et verrouiller le champ politique.
Un responsable d’un parti de l’opposition y voit une manœuvre visant à contrôler le pluralisme. Certains analystes jugent pourtant que le seuil des 12 000 adhérents, équivalant à 1,3 % du corps électoral, fixe une exigence raisonnable qui incite les partis à se structurer.
La fin des partis “façon-façon”
La prolifération incontrôlée des partis politiques est un phénomène préoccupant au Gabon. Sur plus d’une centaine de formations, 95 % n’ont ni siège, ni militants identifiés, ni représentation locale. Leurs bureaux directeurs sont souvent des cercles familiaux ou amicaux, réunis dans des chambrettes, sans aucune stratégie politique sérieuse. Cette réforme entend mettre fin à cette anarchie partisane.
Le ministre de l’Intérieur a annoncé un mécanisme de vérification, appuyé par l’Agence nationale des identifications, pour authentifier les fichiers militants. L’objectif est clair : nettoyer le paysage politique et recentrer la vie démocratique sur des partis crédibles et structurés
Un test démocratique
Cette loi introduit une nouvelle ère de rigueur et de responsabilité. Elle entend assainir un système partisan éclaté, souvent décrié. Mais elle devra éviter de devenir un outil de verrouillage ou d’exclusion déguisée. Le pluralisme ne se résume pas à la quantité, mais à la capacité des partis à représenter la société.
Il reviendra à l’État de garantir un processus d’agrément équitable, et à chaque parti de prouver sa légitimité. Le cap est fixé, mais l’équilibre entre efficacité républicaine et aspiration démocratique reste à construire. Le peuple gabonais sera seul juge.