Ainsi souhaite le président de l’Organisation patronale des médias (OPAM). Lequel a, samedi dernier dans une déclaration devant la presse à Libreville, dénoncé – au nom des autres organisations de cette corporation, notamment le CPPPL, l’UPPIG, l’UGPS et le RENAJI – « les pratiques jugées incohérentes et discriminatoires entourant l’octroi de cette aide essentielle ». Dans l’opinion, c’est la grande stupeur. D’autant plus que le ministère de la Communication et des Médias est dirigé par Laurence Ndong, autrefois femme très engagée pour la promotion des valeurs d’éthique, de la bonne gouvernance de la chose publique… contre le système criminel d’Ali Bongo. Personne ne comprendrait donc qu’une fois aux responsabilités, des soupçons d’entourloupe rythment la gestion de la subvention à la presse privée. Certes, 500 millions de Fcfa font saliver ses collaborateurs, mais elle devra relever le défi du président de la République : gérer avec transparence les deniers publics. Certains de ses prédécesseurs à la fonction ont laissé des plumes à cause de ce fonds. Mme Ndong devra répartir « la totalité » du montant de la subvention entre les ayants-droits pour faire mentir ses détracteurs. D’ici là, voici ce qu’en pense Jean-Yves Ntoutoume de cette désormais affaire…
Gabonclic.info : Monsieur Jean-Yves Ntoutoume, vous êtes monté au créneau samedi à la suite d’un communiqué du ministère de la Communication et des médias relatif à la subvention à la presse édition 2024. Qu’est-ce qui a motivé cette sortie médiatique ?
Jean Yves Ntoutoume : depuis la mise en place de l’aide de l’État à la presse privée au Gabon, nous avons constaté que chaque année, les critères d’attribution de cette subvention changent. Nous ne comprenons pas qu’un ministère, qui a accrédité un certain nombre de médias sur la base de leurs dossiers juridiques, exigent d’autres documents lorsqu’il s’agit de la subvention à la presse. En avril 2024, plusieurs médias à jour ont été accrédités pour couvrir le Dialogue national inclusif. Le conclave le plus inclusif que le Gabon a abrité. En novembre dernier, les médias à jour ont encore reçu les accréditations du ministère de la Communication et des médias pour la couverture médiatique d’un référendum constitutionnel historique. Deux événements majeurs organisés dans le cadre de la restauration des institutions gabonaises.
Vous voulez dire que malgré le contexte de la restauration des institutions, les pratiques tant décriées par le passé ne changent pas ?
Nous avons l’impression que plusieurs personnes associées à la restauration des institutions fonctionnent comme sous le régime déchu. Pourtant, chaque jour, les autorités en place sanctionnent tout contrevenant à la bonne gestion de la chose publique. Mais chaque jour, comme si cela n’arrivait qu’aux autres, d’autres malins continuent de ramer à contre-courant du discours innovant du président de la Transition.
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Pourquoi l’État doit-il accorder une aide à la presse privée ?
L’aide à la presse n’est pas une spécificité gabonaise. Partout où on a choisi la démocratie comme modèle de gouvernance d’un pays, il existe cette aide. Parce que la presse joue un rôle important dans l’expression démocratique et aide à la bonne gouvernance qu’un soutien lui est accordé, afin de lui permettre de travailler dans de conditions acceptables. Donc, l’aide à la presse n’est pas une aumône qu’un gouvernant pense qu’il peut gérer à sa guise. Or, depuis la mise en place de cette manne en 2003, elle fait l’objet de convoitise de certains gouvernants. Pourtant en 2004, face à la guéguerre née entre le Conseil national de la communication de l’époque et le ministère de la Communication au sujet de la gestion de cette subvention, le président de la République, Omar Bongo, avait accordé une audience à toutes les parties (CNC, ministère de la Communication et éditeurs de presse). Lors de cet entretien au Palais, en présence du ministre des Finances de l’époque, Paul Toungui, le président Omar Bongo avait posé la question suivante au ministre : « Monsieur le ministre des Finances, à qui appartient la subvention ? » “Aux éditeurs de presse“, avait répondu le membre du gouvernement. Dès cet instant, le président Omar Bongo a tapé du poing sur la table, en disant à l’assistance : « Vous avez compris, la séance est levée ». Mais cela n’a pas suffi à mettre fin au désordre sur la répartition de cette subvention.
Il se dit que Blaise Louembe, à l’époque ministre de la Communication, avait géré avec éthique cette subvention à la presse ?
Je voudrais rappeler qu’en 2003, lorsque cette subvention a été payée pour la première fois, sous le ministre Medhi Teale, il n’y a jamais eu de per diems payés à une quelconque Commission de répartition de cette manne. Bien au contraire, le ministre Teale avait marqué le coup en profitant de la Journée mondiale de la liberté de la presse, le 3 mai 2003, pour distribuer cette subvention. Nous croyions que les choses allaient continuer dans ce sens, hélas. Le désordre s’est installé. Il a fallu l’avènement du ministre Blaise Louembe au département de la Communication, non seulement pour arrêter les critères objectifs (dossier juridique à jour de l’organe de presse et régularité dans sa parution), mais aussi d’interdire que la Commission chargée de la répartition de cette subvention ne touche à un seul franc de ce fonds. Mais depuis près de dix ans, les autres ministres qui sont arrivés ont ramené cette affaire de per diems à ponctionner dans l’aide accordée à la presse. Cette fois, nous disons non ! C’est d’ailleurs pourquoi, avec l’ensemble des organisations de notre corporation, nous allons saisir les institutions compétentes dans le cas où cet argent servirait à autre chose qu’à l’aide aux médias.
Certaines pratiques peuvent-elles entraîner des conséquences sur le plan international ?
Le Gabon, en 2024, a fait bonne figure en se classant 56ème pays sur 180 dans le classement annuel de Reporters sans frontières. Il faut rappeler que nous étions, en 2023, à la 94ème place. Aussi, avec le coup de libération du 30 août 2023 et toutes les bonnes actions doublées des intentions des nouvelles autorités, on a gagné 38 places. Mais avec les pratiques anciennes, nous risquons de dégringoler dans ce classement qui est un élément de motivation des investisseurs qui frappent aux portes de notre pays. Que ceux qui ont accepté d’accompagner la restauration des institutions soient en phase avec le discours du président de la Transition.