Ces derniers jours, dans ce quartier des premier et deuxième arrondissements de Libreville, situés derrière l’Assemblée nationale, les ambassades de Chine et de Russie, les bulldozers sont passés, laissant derrière eux un champ de ruines.
C’est au milieu de ces décombres que Jeanne Clarisse Dilaba, coordinatrice nationale du Réseau des défenseurs des droits humains en Afrique centrale (REDHAC), s’est exprimée ce mercredi 11 juin 2025 devant plusieurs médias. Elle dénonce un drame social qui dépasse les murs effondrés : « Ce que nous voyons ici, c’est une profonde absence d’humanité et de compassion. », a-t-elle déclaré.
Selon le REDHAC, ces déguerpissements ont été opérés par le Génie militaire sans qu’aucune information officielle n’ait été diffusée au préalable. Pas d’avertissement, pas de négociation, encore moins de mesures d’accompagnement. Résultat: des familles entières, pour la plupart des locataires, se retrouvent sans abri, livrées à elles-mêmes. « Ce ne sont pas juste des maisons qu’on a détruites, mais des vies qu’on a piétinées», affirme l’organisation. Elle dénonce une opération brutale, conduite dans le silence, sans dialogue ni présence d’acteurs de la société civile ou de défenseurs des droits humains. Pour le REDHAC, il ne s’agit pas d’un simple déguerpissement, mais d’un acte de « déshumanisation silencieuse ».
En plus de l’absence d’information, les personnes expulsées déclarent n’avoir reçu aucune compensation. Un fait qui va à l’encontre de l’article 20 de la Constitution gabonaise, adoptée en 2024. Pire encore, aucune mesure n’aurait été prévue pour les plus vulnérables : femmes enceintes, enfants, personnes âgées ou vivant avec un handicap.
Le REDHAC rappelle que le Gabon est signataire de plusieurs engagements internationaux, notamment les Principes directeurs de l’ONU sur les expulsions forcées. Ceux-ci interdisent les expulsions sans préavis, imposent des compensations équitables, des solutions de relogement et la possibilité de recours pour les victimes. « Personne ne devrait se retrouver sans toit ni secours après une expulsion », insiste Dilaba. Elle plaide pour que les futures opérations soient menées dans le respect des droits humains, avec dignité, sans violence ni précipitation.
Face à ce qu’il qualifie de crise humanitaire, le REDHAC salue l’initiative du député Ella Engonga, qui a déposé une demande d’enquête parlementaire. « Nous espérons que cette commission sera mise en place rapidement », souligne Jeanne Clarisse Dilaba, qui appelle aussi à des mesures urgentes pour venir en aide aux sinistrés et leur redonner un peu de dignité.