À bout de patience, ces dames de la région de Bifoun ont, hier lundi 9 juin 2025, érigé des barricades sur le pont d’Ebel-Abanga, paralysant la circulation pour alerter les autorités sur la lenteur inadmissible des travaux de réhabilitation de la RN2. Derrière cette colère, un silence gouvernemental assourdissant.
Ce lundi 9 juin 2025, le calme habituel sur l’axe routier Bifoun–Ebel Abanga a été rompu par une mobilisation inattendue mais déterminée des femmes commerçantes. Excédées par la dégradation avancée de la route nationale n°2, entre Bifoun et Ndjolé, longue de 56 km, ont pris les devants. À l’aide de branchages, de pierres et de pneus usés, elles ont bloqué le pont d’Ebel-Abanga, empêchant toute circulation dans les deux sens. Au sommet du pont, un drapeau gabonais flottait, signe d’une action « citoyenne » et non partisane.
Les manifestantes n’en sont pas à leur première alerte. Elles dénoncent un chantier « à l’arrêt depuis de nombreux mois » et une route dont l’état catastrophique freine leurs activités économiques quotidiennes. « Nous en avons assez des promesses jamais tenues. Nos produits se gâtent à cause des retards, et nos véhicules tombent sans cesse en panne à cause de l’état déplorable de la route », s’indigne Odile Ntsame, porte-parole des manifestantes. Une autre commerçante de renchérir : « On nous promet toujours que les travaux reprendront bientôt, mais rien ne change. Cette route est essentielle pour notre activité économique ».

Face au mutisme des autorités locales et à l’inertie visible sur le terrain, les habitantes de la région espèrent que cette démonstration de force débouchera enfin sur une reprise des travaux. Pour l’heure, la circulation reste fortement perturbée.
Une route pourtant financée
La mobilisation des populations soulève une question cruciale : comment expliquer l’arrêt des travaux sur une route déjà financée ? En réalité, la réhabilitation de l’axe Bifoun–Ndjolé n’a jamais été laissée à l’abandon sur le papier. Dès les années 2010, l’Agence française de développement (AFD) avait investi environ 78 milliards de francs CFA pour moderniser une portion de la RN2, incluant Ndjolé–Medoumane, un tronçon proche de Bifoun, avec une livraison initialement prévue en 2015.
Plus récemment, en février 2025, le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI), via le Plan national de développement de la transition (PNDT), a relancé le projet de rénovation de l’ensemble du tronçon Bifoun–Ndjolé (56 km). Le chantier a été confié à la société SOGEA-SATOM, à qui une avance de 8 milliards de francs CFA a été versée en avril 2024. Mais malgré ce financement important, les résultats sont décevants : seulement 3 km réhabilités en 11 mois, soit à peine 13 % du tracé.
Pourquoi les travaux n’avancent-ils pas ?
Le problème ne semble pas résider uniquement dans les financements. Le plus grand échec de ce projet reste la communication institutionnelle. Ni le gouvernement, ni l’entreprise adjudicataire ne communiquent sur les raisons du ralentissement ou de l’arrêt du chantier. Ce silence crée un vide qui se remplit de frustrations, de doutes et désormais de révoltes populaires.
Si les riverains en viennent à bloquer les routes, c’est parce qu’ils se sentent littéralement abandonnés. Aucune information officielle sur les obstacles rencontrés, ni explication sur les retards, encore moins un calendrier révisé publié. Dans un tel contexte, la manifestation de ces commerçantes devient un dernier recours pour se faire entendre.
Un signal d’alarme que le gouvernement ne peut plus ignorer
Ce blocage de la RN2 entre Bifoun et Ndjolé dépasse la simple gêne à la circulation. Il incarne l’échec d’un système où les grands projets d’infrastructures, bien que financés, peinent à se concrétiser sur le terrain. Il met en lumière une fracture entre les décisions prises à Libreville et la réalité vécue dans l’arrière-pays.
La balle est désormais dans le camp du gouvernement et de ses partenaires techniques. Faute de réaction rapide et concrète, d’autres voix pourraient s’élever sur les routes du pays.