Alors que Libreville est secouée par les pleurs des déguerpis de Plaine-Orety, une voix inattendue s’élève… mais pas pour agir. L’Union Nationale, parti de Paulette Missambo, présidente du Sénat et alliée du régime en place, choisit la voie de l’indignation tardive et trouble. Entre duplicité politique et silence institutionnel, le malaise est profond.
Dans un contexte de tensions urbaines marquées par des scènes de casses, de pleurs et d’expulsions brutales, l’Union nationale (UN) a rompu le silence. Le 7 juin 2025, ce parti de l’ancienne opposition, aujourd’hui partenaire du régime, a fait une déclaration dénonçant avec vigueur les opérations de déguerpissement entamées depuis le 2 juin dans les quartiers de Plaine-Orety et Derrière-l’ambassade de Chine à Libreville. Selon le communiqué, ces évacuations menées « avec une rare violence » ont laissé « des milliers de familles sans-abri », au moment même où la capitale vit au rythme des examens scolaires.
L’UN, tout en reconnaissant la nécessité de repenser l’urbanisme de Libreville, fustige la méthode : « brutale », « inhumaine », voire « méprisante pour la dignité humaine ». Le parti exige, notamment, deux choses : que les deux chambres du Parlement interpellent le ministre de l’Habitat, à travers la création d’une Commission d’enquête parlementaire, et que l’État indemnise équitablement les victimes de ces déguerpissements. Une posture qui semble de bon sens dans un État démocratique. Mais qui, au regard du positionnement de l’UN et de sa présidente, sème surtout le doute.
L’ambiguïté d’un double discours
La déclaration du 7 juin soulève une question fondamentale : comment le parti dirigé par Paulette Missambo, actuelle présidente du Sénat et proche soutien de Brice Clotaire Oligui Nguema — qui l’a nommée à cette fonction dès le 15 septembre 2023 — peut-il appeler à une interpellation parlementaire, alors que cette même Paulette Missambo préside l’une des deux chambres concernées ? Cela pose un sérieux problème d’éthique, d’intégrité politique et aussi de cohérence institutionnelle.
Est-elle étrangère aux décisions de l’Exécutif ? Si oui, cela signifie que le Sénat, deuxième institution de la République, est marginalisé ou dysfonctionne. Si non, alors la sortie publique de l’Union nationale ressemble davantage à une opération de communication, voire à une récupération politique opportuniste, qu’à une réelle volonté de changement ou de protection des populations sinistrées. Pire encore, l’ancienne ministre de l’Éducation nationale, de la Fonction publique et de la Santé sous Omar Bongo, entre 1990 et 2007, ne peut ignorer l’historique du dossier Plaine-Orety, qui remonte à cette époque. Elle connaît donc le fond du problème. Elle sait que la question foncière dans ces zones est ancienne, mal gérée et régulièrement instrumentalisée. Pourquoi, alors, n’avoir pas contribué à une solution durable à l’époque, ni aujourd’hui en tant qu’acteur majeur de la 5e République ?
En tant que présidente du Sénat, représentant les collectivités locales, elle aurait dû, depuis le premier jour des casses, convoquer le gouvernement, exiger des comptes et guider la réponse institutionnelle. À défaut d’agir, elle fait signer un texte, oubliant qu’elle est surtout garante du dialogue entre l’Exécutif et le peuple.
Une déclaration de trop ?
En définitive, cette prise de parole de l’Union nationale, aussi bienveillante soit-elle dans la forme, révèle surtout un malaise démocratique : quand les institutions parlent sans agir, et quand ceux qui peuvent apaiser préfèrent dénoncer sans agir, le peuple perd confiance. En ce sens, cette » indignation » ressemble à une pièce de théâtre politique, jouée au mauvais moment et avec de mauvais acteurs.
Une comédie républicaine, dans laquelle Paulette Missambo peine à faire oublier qu’elle est, aujourd’hui plus que jamais, comptable du sort des déguerpis.