25 C
Libreville
samedi, 8 novembre 2025
More
    AccueilInterviewCécile Abadie, ambassadeur de l'UE au Gabon : « Nous souhaitons accompagner durablement le Gabon sur le...

    Cécile Abadie, ambassadeur de l’UE au Gabon : « Nous souhaitons accompagner durablement le Gabon sur le chemin de la bonne gouvernance »

    Publié le
    Écouter cet article

    Fruit d’un partenariat historique entamé il y a plus de six décennies avec la signature de la Convention de Yaoundé en 1963, les relations entre l’Union européenne et le Gabon sont aujourd’hui marquées par la franchise et une maturité certaine. C’est dans cet esprit que Cécile Abadie, ambassadeur de l’Union européenne au Gabon, reçoit L’Aube, La Loupe et Gabonclic.Info pour cet entretien. La diplomate détaille les priorités d’une coopération renforcée, axée sur les investissements durables, la gestion des ressources forestières et la bonne gouvernance. Interrogée sur le double scrutin législatif et local en cours, elle a indiqué d’emblée que l’Union européenne « ne s’autorise pas à commenter publiquement son déroulement alors que la campagne pour le second tour est en cours ».

    Gaboncli.Info: Suite au premier tour des élections législatives et locales, dont le double scrutin s’est déroulé le 27 septembre dernier, quel regard portez-vous sur la situation politique actuelle du pays ?

    Cécile Abadie : L’Union européenne a suivi avec beaucoup d’intérêt ce scrutin, mais ne s’autorise pas à commenter publiquement son déroulement alors que la campagne pour le second tour est en cours. Notre implication a pris la forme d’un soutien à une mission d’observation électorale de la société civile, qui a partagé ses conclusions sur le premier tour, avec neutralité et impartialité.

    Après le scrutin du 27 septembre, l’émotion était palpable. Nous avons, naturellement, relevé la déclaration de l’ACER (Autorité de contrôle des élections et du référendum, ndr), puisqu’elle est l’autorité compétente pour analyser le processus, de manière indépendante. Nous suivrons, bien entendu, avec attention les prochaines étapes, notamment le traitement des recours et l’organisation du second tour, qui constitueront des éléments importants face aux préoccupations exprimées par les citoyens, électeurs ou candidats.

    Cécile Abadie, ambassadeur de l'UE au Gabon : « Nous souhaitons accompagner durablement le Gabon sur le chemin de la bonne gouvernance »

    La démocratie et la bonne gouvernance sont des valeurs fondamentales pour l’Union européenne. Comment l’UE appuie-t-elle ces principes au Gabon, notamment en matière de renforcement des institutions et de soutien à la société civile ?

    L’Union européenne est riche de 27 modèles démocratiques différents et ne cherche à en imposer aucun. Notre objectif, au Gabon, comme ailleurs, est d’accompagner les institutions qui s’engagent dans des réformes politiques et les acteurs de la société civile dont le plaidoyer et l’action de proximité permettent de défendre les droits humains. L’Union européenne a fait le choix de donner sa chance au processus de transition politique et de l’accompagner dans le respect des priorités nationales.

    L’Union européenne et plusieurs États membres ont, ensemble, alloué au Gabon un financement d’environ 3.5 millions d’euros, soit 2,3 milliards de francs CFA, qui poursuit deux objectifs : (1) appuyer les réformes institutionnelles, avec de l’expertise et des partages d’expérience, y compris avec d’autres pays africains ; (2) un renforcement des capacités de la société civile et des médias. Sensibiliser les membres du Parlement aux éléments clés d’une réforme constitutionnelle ou bien soutenir le dispositif d’observation électoral citoyen lors des différents scrutins sont des exemples d’activités concrètes mises en œuvre.

    Par ailleurs, l’Union européenne soutient chaque année des initiatives portées par des organisations de la société civile intervenant dans des domaines différents (droits humains, lutte contre les violences basées sur le genre, protection des enfants, etc.).

    Comment comptez-vous aider le secteur de la Communication au Gabon, au regard de l’importance des médias pour la consolidation de la démocratie dans notre pays ?

    Je partage pleinement l’avis selon lequel le rôle des médias est essentiel sur le chemin de la démocratisation, en luttant contre la désinformation et en éclairant le citoyen. C’est la raison pour laquelle, dans le cadre de notre appui à la transition, des activités de renforcement des capacités des médias ont été mises en œuvre, concernant par exemple, les principes de déontologie et de responsabilité journalistique, les enjeux éthiques liés à la rapidité de l’information en ligne ou les bonnes pratiques journalistiques en matière d’utilisation de l’Intelligence Artificielle.

    Les visites de journalistes à Bruxelles me semblent être également un élément essentiel de compréhension mutuelle entre nos deux continents. J’espère qu’elles se multiplieront à l’avenir.

    Cécile Abadie, ambassadeur de l'UE au Gabon : « Nous souhaitons accompagner durablement le Gabon sur le chemin de la bonne gouvernance »

    Je reste consciente que ces initiatives, même bienvenues, ne peuvent résoudre le défi principal auquel sont confrontés de nombreux journalistes, c’est-à-dire assurer leur indépendance financière et, par là même, leur indépendance éditoriale. C’est un sujet qui mérite l’attention de tous, de l’État comme des partenaires.

    Le programme « Erasmus + » a-t-il suscité un intérêt au Gabon ? Quels en ont été les bénéfices ?

    Erasmus a été, et reste, l’un des grands succès de l’Union européenne. Chaque année nombre d’étudiants européens découvrent la diversité culturelle de l’Union et renforcent leur bagage universitaire et donc leur employabilité.

    Erasmus + a ouvert les frontières de ce programme à d’autres pays et permet une mobilité des étudiants comme des professeurs. Dans le cadre de l’édition actuelle (2023-2025), une trentaine d’étudiants et professeurs gabonais sont, soit en Europe, soit viennent d’en revenir. Ils ont séjourné en Allemagne, en Pologne, en Estonie… C’est une expérience transformatrice sur le plan individuel, une ouverture sur un continent voisin et sur sa diversité culturelle et linguistique, et surtout une grande valeur ajoutée pour consolider un CV. Je vais prochainement rassembler tous ces bénéficiaires, car je suis impatiente d’entendre leur vécu de cette aventure humaine et universitaire.

    La diversification de l’économie gabonaise est un enjeu majeur. L’Union européenne accompagne-t-elle ce processus et si oui, dans quels secteurs prioritaires cette coopération se manifeste-t-elle concrètement ?

    Cet agenda de diversification et de création de valeur ajoutée est au cœur de l’approche Global Gateway développée par l’Union européenne. Différentes modalités sont utilisées.

    Tout d’abord, la combinaison de subventions de l’Union européenne à des prêts d’institutions financières du développement, pour des conditions d’investissement beaucoup plus attractives. L’objectif est de développer les infrastructures qui dynamiseront la connectivité régionale et attireront l’investissement étranger. Une de nos priorités est le secteur de l’énergie, qui est vital pour tout processus d’industrialisation.

    Une autre modalité est le soutien à des chaines de valeurs, de l’exploitation jusqu’à la commercialisation. C’est dans le secteur forêt/bois que nous nous investissons particulièrement.

    Enfin, l’Union européenne peut octroyer des garanties pour stimuler l’investissement privé, dans des secteurs très variés. Mon objectif est de maximiser le potentiel de ces outils.

    Le Gabon a dénoncé l’accord de pêche conclu en 2021 avec l’Union européenne pour cinq ans, estimant que la contrepartie était bien loin du profit qu’en tirait l’UE. Où en êtes-vous avec la renégociation de cet accord ?

    Depuis la notification par le Gabon, en juin dernier, de son intention de dénoncer l’accord de pêche, des discussions sur l’avenir de cet accord ont été initiées entre l’Union européenne et le Gabon.

    Avant d’entrer en négociation, nous avons jugé utile d’assurer une bonne compréhension du point de vue de chaque partie. Il était donc important, pour l’Union européenne, de rappeler les règles qui encadrent l’activité de la flotte européenne et assurent la transparence, le fonctionnement de l’appui sectoriel octroyé et le rôle des autorités gabonaises dans son exécution. Il était tout aussi important de réaffirmer que cela demeure notre objectif de maximiser l’impact local de l’activité de pêche européenne. Nous souhaitons mieux comprendre les raisons pour lesquelles la flotte européenne et les opérateurs gabonais du secteur ont peu d’interactions, et avoir une meilleure compréhension des défis rencontrés par notre flotte lors de ses tentatives de débarquement.

    Pour éclairer les enjeux de cette coopération et documenter les bénéfices de chaque partie, une évaluation indépendante de l’accord 2021-2026 a été réalisée et est accessible à tous sur notre site. Cela constitue une base solide et objective pour nos futurs échanges.

    Notre objectif demeure de négocier un accord sur le principe « gagnant-gagnant », afin que les intérêts de chaque partie soient pris en compte. Les consultations n’en sont qu’à leur début, mais je suis encouragée par l’état d’esprit constructif dans lequel le dialogue évolue.

    Le Gabon est un acteur clé de la préservation de la biodiversité et de la lutte contre le changement climatique, notamment grâce à sa vaste forêt. Comment l’UE collabore-t-elle avec les autorités et les acteurs locaux pour concilier la protection de cet immense patrimoine naturel avec les impératifs de développement économique et social ? Pourriez-vous nous donner des exemples de projets phares dans ce domaine ?

    La transition verte est le fil directeur de notre coopération économique. Notre approche stratégique est de soutenir des infrastructures durables, par exemple pour valoriser le potentiel hydroélectrique, avec plusieurs projets locaux plus ciblés. Il s’agit notamment de l’accompagnement de la filière bois/forêt dans l’objectif qui est cher au Gabon – et auquel nous adhérons pleinement – d’assurer une gestion durable des ressources.

    Nous souhaitons aussi soutenir de nouvelles filières pour qu’émerge un tissu économique local, créateur d’emplois décents, dans le secteur agricole, en particulier la filière cacao que le Gouvernement souhaite relancer, ou encore dans l’éco-tourisme.

    Ces initiatives s’inscrivent dans une vision partagée, déclinée dans le Partenariat pour les Forêts signé il y a presque un an, à l’occasion de la visite du président de la République à Bruxelles.

    Dans le contexte de la déforestation et du commerce illégal du bois, quelles initiatives conjointes sont mises en place pour garantir une gestion durable des ressources forestières et assurer la traçabilité des produits ?

    Le Gabon a su maintenir un faible taux de déforestation et compte nombre d’entreprises qui, à travers leurs standards de certification, contribuent à une gestion durable des ressources. Parmi elles, on compte beaucoup d’entreprises européennes qui assurent la transparence de leurs opérations.

    Pour que les règles en place soient respectées, et que l’ensemble du secteur adopte de bonnes pratiques, l’Union européenne soutient le Gabon sur deux aspects complémentaires : d’un côté, renforcer davantage la gouvernance du secteur et, par ailleurs, permettre aux entreprises de garder un avantage comparatif en se préparant aux exigences de traçabilité des marchés internationaux, notamment du marché européen.

    Compte tenu de la volonté, depuis 2024, du pays d’opérationnaliser son Système national de traçabilité du bois (SNTBG), nous avons développé conjointement, depuis cette année, un soutien au déploiement du système à travers notre programme « EU Forest Governance and Value Chains Programme » mis en œuvre avec la FAO. Cette activité sera renforcée par notre équipe Europe, avec la participation de la France et de l’Allemagne.

    Cécile Abadie, ambassadeur de l'UE au Gabon : « Nous souhaitons accompagner durablement le Gabon sur le chemin de la bonne gouvernance »

    De plus, nous avons déployé une assistance technique auprès du ministère des Eaux et Forêts qui a conduit cette année, entre autres travaux, une étude sur la situation et le niveau de préparation des opérateurs au nouveau Règlement européen contre la déforestation et la dégradation des forêts (RDUE) qui s’applique au bois, ainsi qu’à d’autres produits tels que l’hévéa, l’huile de palme ou encore le cacao. Plusieurs mesures d’accompagnement ciblées seront ainsi lancées l’année prochaine.

    Pour terminer, quels sont les perspectives et les principaux objectifs que l’Union européenne et le Gabon devraient se fixer pour renforcer leur partenariat dans les années à venir ?

    L’avenir de cette relation s’inscrit dans le cadre plus large du partenariat Union européenne-Union africaine. Le prochain sommet entre les deux continents se tiendra les 24 et 25 novembre à Luanda (Angola) et donnera une nouvelle dynamique à nos priorités communes : le soutien au multilatéralisme pour la paix et la sécurité ; l’agenda de prospérité par des chaînes de valeur conjointes et une transformation des économies africaines qui permettront à l’Europe de diversifier ses fournisseurs et, enfin, remettre l’humain au centre des préoccupations en donnant des perspectives à la jeunesse. Il me semble que cet agenda résonne totalement avec les priorités et la vision stratégique du Gabon.

    Plus spécifiquement, je souhaite que nous puissions accompagner, dans la durée, trois domaines : les investissements qui restent indispensables au dynamisme économique, la gestion durable des ressources forestières pour conjuguer croissance économique et enjeux environnementaux et, bien sûr, l’accompagnement du Gabon sur le chemin de la bonne gouvernance.

    Enfin, au-delà des thèmes d’intérêt commun, je forme le vœu que nous puissions continuer à travailler avec méthode, dans le respect mutuel, la confiance, la sincérité et la transparence.

    Propos recueillis par Véronique Niangui

    Entretiens exclusifs

    Articles Populaires

    Dernières nouvelles

    ANAC programe de formation AVSEC 2025
    Session d'orientation
    CNAMGS