Derrière les propos lissés de Christel Bories, PDG d’Eramet, se cache une inquiétude stratégique majeure. L’annonce gabonaise d’interdire l’exportation du manganèse brut, dès 2029, agace Paris. Et si derrière le masque économique, se profilait une riposte politique française déguisée ?
Lors du Conseil des ministres du 30 mai 2025, le président de la République, Brice Clotaire Oligui Nguema, a pris l’une des décisions économiques les plus audacieuses de l’histoire récente du pays : interdire, dès 2029, l’exportation du manganèse brut. Le gouvernement entend désormais transformer cette ressource localement, pour créer de la valeur ajoutée, des emplois, industrialiser le pays et renforcer sa souveraineté économique. Visionnaire et courageuse, cette mesure a été largement saluée par les Gabonais, lassés de voir partir leurs richesses à l’état brut au seul profit des multinationales.
Réaction de Christel Bories : un mépris voilé pour la souveraineté gabonaise
Lors d’une interview, Christel Bories, PDG du groupe français Eramet, a exprimé son scepticisme face à cette réforme : « Le Gabon a annoncé qu’il ne voulait plus exporter du minerai brut à partir de 2029, pour le transformer sur place. Mais c’est impossible, il faut des infrastructures énormes, massives, il faut beaucoup d’énergie. La transformation doit être rentable et là, ils veulent se tirer une balle dans le pied. »
Avant d’ajouter : « L’État gabonais est déjà actionnaire à près de 30 % de notre filiale, ce qui est déjà bien. Faudrait qu’ils revoient leurs calculs pour voir ce qui est le plus rentable pour le pays. »
Sous couvert de réalisme économique, ces propos sont, en réalité, un affront diplomatique. Insinuer que le Gabon « se tire une balle dans le pied », c’est nier sa capacité à construire son avenir. Trouver que 30 % est « déjà bien« , c’est reléguer le pays au rang de figurant dans l’exploitation de ses propres ressources.
La contre-offensive se met en place
Dans notre édition un précédent numéro, nous tirions déjà la sonnette d’alarme : toute tentative d’interrompre l’exportation du manganèse brut provoquerait des réactions hostiles des grands groupes. Nous y sommes. Derrière les propos de Mme Bories, c’est sans doute la voix de l’Élysée qui commence à se faire entendre, discrètement mais fermement. La France, habituée à voir l’Afrique comme son arrière-cour stratégique, voit d’un très mauvais œil cette affirmation de souveraineté. Les pressions ne font que commencer.
Tenir bon pour une souveraineté économique réelle
Face à ces tentatives de déstabilisation, le Gabon doit tenir bon. La transformation locale du manganèse est une opportunité unique. Elle permettra de créer des milliers d’emplois directs et indirects, de bâtir un tissu industriel solide, d’accroître les recettes fiscales, de former des techniciens et ingénieurs et, surtout, de reprendre le contrôle sur ses ressources stratégiques. C’est une voie vers un développement autonome et durable.
La souveraineté ne se décrète pas, elle se construit. Transformer nos matières premières sur place, c’est choisir soi-même son destin. Le temps de la soumission est révolu. Place à l’audace gabonaise.