Entre revendications sociales, crise managériale et héritage d’une gouvernance chaotique, La Poste S.A. traverse une période tumultueuse. Alors qu’une menace de grève générale illimitée plane sur la société, syndicat et dirigeants s’affrontent dans un climat tendu.
Au sortir d’une assemblée générale extraordinaire le 9 avril dernier, le Syndicat national de La Poste (SYNAPOSTE) a annoncé une grève illimitée. Ce mouvement social découle d’un mécontentement général face à des dysfonctionnements persistants, notamment les retards dans le paiement des salaires de mars et avril 2025, une gestion opaque de la mutuelle de santé et des prestations sociales, des anomalies dans les contributions sociales (CNSS, CNAMGS, CPPF) et le départ exigé de l’actuelle direction générale.
Cette situation, dénoncée par Davy Mamboundou, Secrétaire national du Synaposte en charge de la communication et Délégué du personnel, révèle une attitude de « fuite en avant » de la direction, qui semble agir uniquement sous la pression des préavis de grève. S’adressant aux employés, Davy Mamboundou souligne que leurs revendications restent sans réponse.
D’ailleurs, il appelait déjà les membres du syndicat à boycotter la réunion du mercredi 16 avril qui, selon lui, ne satisfera pas leurs doléances. Son message, ferme, exhorte les employés à attendre la fin du préavis légal fixé à demain, mercredi 23 avril.
Les explications de la direction générale
Face à ces accusations, Jean Richard Ella Eya, directeur général de La Poste S.A., a publié deux notes pour expliquer la situation. Dans celle du 7 avril 2025, il évoque des irrégularités dans le fichier de paie, avec des variations imprévues et l’inscription d’agents non identifiés. La note promet des mesures correctives en cours et sollicite la compréhension du personnel.
Le 14 avril 2025, la direction a convoqué une réunion de clarification pour le 16 avril, visant à répondre aux accusations relayées par un enregistrement audio, devenu viral, et à clarifier des questions liées aux salaires, à la mutuelle de santé et à la situation financière. Elle appelle au dialogue et met à disposition des moyens de transport pour garantir la participation.
Sous la gouvernance d’Ali Bongo Ondimba, La Poste S.A. a traversé de multiples crises. Aucun des directeurs généraux qui se sont succédé n’a réussi à redresser durablement la situation. D’Alfred Mabika Mouyama (2007-2015) à Michaël Adandé (2015-2023), puis à Aimerik Bertrand Leboussi Alibalah (mars – octobre 2023) et Jean Eric Raynald Ndama (octobre 2023 – octobre 2024), jusqu’à l’actuel dirigeant Jean Richard Ella Eya, cette structure est en proie à des tensions permanentes. Chaque fin de mois, les fonctionnaires domiciliés à La Poste S.A. doivent protester bruyamment pour percevoir leurs salaires.
Cette instabilité a plongé l’entreprise dans une profonde crise, marquée par des difficultés financières et organisationnelles persistantes. Aujourd’hui, les nouveaux responsables héritent d’une institution à l’agonie, qui requiert une réforme en profondeur.
Pour mener à bien une restructuration efficace, il est indispensable, entre autres, d’injecter un capital financier important, de procéder à une réorganisation administrative afin de moderniser la gestion et d’éliminer les pratiques opaques, réaliser un audit complet pour identifier les anomalies financières grâce à une expertise indépendante, renforcer les compétences des cadres et employés en les formant aux standards modernes et, enfin, maintenir un dialogue régulier et constructif avec les partenaires sociaux.
Face à ces enjeux, les Postiers et leur syndicat semblent déterminés à faire entendre leurs voix, tandis que la direction cherche à calmer les tensions par des initiatives tardives. L’avenir de La Poste S.A. dépendra de décisions audacieuses et d’une restructuration profonde.