Le samedi 14 juin dernier, l’association « La Solidarité des femmes initiatives » a marqué la fin de sa sixième saison d’activités par une cérémonie à la fois sobre et significative. Organisé dans le quartier Bienvenue, du 1ᵉʳ arrondissement du chef-lieu de province de l’Ogooué-Ivindo, l’évènement a été une occasion aussi pour l’association de célébrer, en différé, la fête des mères.
Derrière cette rencontre festive se cache une dynamique locale d’une portée bien plus large: la montée en puissance des tontines comme outil d’autonomisation, notamment pour les femmes en milieu rural. À travers cet engagement associatif, c’est tout un modèle économique, basé sur la confiance et la solidarité, qui s’organise loin des projecteurs.
Les tontines au cœur de la cérémonie
Moment fort de la journée : la remise de cadeaux aux « mères-tontines », figures emblématiques de l’épargne collective. Ces femmes expérimentées encadrent et soutiennent les nouvelles adhérentes, les « filles-tontines », dans la gestion des cotisations, la planification financière et la régularité des versements. Une reconnaissance symbolique mais puissante, qui montre l’importance sociale de ces femmes dans la stabilité économique du groupe.
Loin de n’être qu’une tradition, la tontine est un véritable mécanisme d’autonomie économique. En dehors du système bancaire classique, elle permet à des milliers de femmes d’accéder à un capital tournant, de financer de petits projets, ou simplement de faire face à certaines urgences.
Chaque membre verse une somme fixée, à intervalles réguliers, soit hebdomadaires, mensuels ou trimestriels, dans une caisse commune, redistribuée à tour de rôle. Ces groupes, dirigés par une « mère-tontine » ou un « père-tontine », fonctionnent sur la base de la confiance, de l’entraide et d’un fort sens de l’engagement collectif.
Aujourd’hui, il existe des tontines pour presque tout : argent, ustensiles de cuisine, électroménager, draps, scolarité… Cette diversité témoigne de leur adaptabilité et de leur ancrage profond dans les pratiques économiques populaires.
L’État face à ses responsabilités
Mais le succès des tontines soulève aussi une question centrale : celle de l’encadrement juridique et institutionnel. Car malgré leur efficacité, ces dispositifs évoluent encore dans un vide juridique qui peut fragiliser les adhérentes. Les cas de mauvaise gestion, de conflits internes ou d’escroqueries ne sont pas rares, faute d’un cadre clair pour les réguler.
L’État a un rôle d’accompagnement de ces structures, comme : reconnaître officiellement les tontines comme des entités économiques communautaires, offrir un statut légal souple mais protecteur, former les responsables et surtout instaurer des mécanismes de régulation pour limiter les abus et punir les responsables. Un fonds de garantie pourrait également s’instaurer, afin d’appuyer les groupes en difficulté ou en croissance.
En intégrant les tontines dans une vision plus large de l’économie sociale et solidaire, le gouvernement pourrait non seulement sécuriser les pratiques existantes, mais aussi valoriser une intelligence collective déjà bien structurée. Une passerelle entre la tradition et la politique publique, en somme. Depuis six ans, l’association « La Solidarité des Femmes Initiatives » en est un exemple vivant. En combinant action locale, entraide et transmission intergénérationnelle, elle incarne un modèle de résilience féminine, de développement communautaire et de reconstruction des liens sociaux.
Une dynamique locale, un enjeu national
En clôturant sa sixième saison dans une ambiance conviviale, en communion avec ses membres et leurs familles, les responsables de l’association ont rappelé que les vraies transformations commencent souvent là où on ne les attend pas, particulièrement dans une cour de quartier, autour d’un repas partagé ou d’une cotisation silencieusement glissée dans une enveloppe. La présidente de l’association, Euphraise Ondogo épouse Benga, s’est dite satisfaite de l’évolution de cette structure communautaire.
Les tontines, à l’exemple de cette association, n’ont pas seulement été célébrées, elles ont été légitimées. Reste à savoir si l’État et les institutions publiques oseront franchir le pas pour leur reconnaissance formelle et saisir cette opportunité de faire de l’économie informelle un véritable levier de développement.