Auditionné à Paris dans une affaire de « tortures » et « séquestration », l’ex-président gabonais Ali Bongo se présente désormais en victime. Un renversement spectaculaire pour celui qui régna, avec sa famille, en maître absolu sur le Gabon pendant 14 ans.
Une plainte explosive à Paris. Les 30 juin et 1er juillet 2025, Ali Bongo Ondimba a été entendu au tribunal judiciaire de Paris par deux juges du pôle Crimes contre l’humanité. Il est auditionné comme partie civile dans une plainte déposée en mai 2024 pour « séquestration arbitraire, tortures, actes de barbarie et enlèvement », après le coup d’État du 30 août 2023 qui a mis fin à son règne.
Aux côtés de son épouse Sylvia et de leurs enfants, Ali Bongo accuse les nouvelles autorités gabonaises de l’avoir maintenu en résidence surveillée, coupé du monde, privé de soins et de liberté. Une information judiciaire est ouverte depuis janvier 2025.
Des sévices d’une brutalité inouïe
Selon la plainte, les traitements subis relèveraient de la torture : électrocutions, simulacres de noyade, isolement sensoriel, sodomie avec objet, menaces armées, passages à tabac… Sylvia Bongo aurait été battue, étranglée, contrainte d’assister aux sévices de son fils Noureddin.
Les avocats de la famille saluent le sérieux de l’enquête et affirment vouloir faire éclater « la vérité judiciaire ». Du côté des autorités de Libreville, on réfute toute entrave, évoquant une mise en sécurité volontaire. Deux versions diamétralement opposées.
Une contre-offensive judiciaire et symbolique
Au-delà des accusations, cette plainte replace Ali Bongo dans une stratégie de reconquête morale et symbolique. Le pouvoir déchu tente une riposte judiciaire internationale pour inverser l’image d’un autocrate déchu en victime d’un système brutal. Une manœuvre à fort enjeu politique.
De la toute-puissance à l’humiliation : le retour du boomerang
Mais l’ironie de l’histoire est cruelle. Pendant quatorze ans, Ali Bongo et sa famille régnaient sans partage sur le Gabon. Intouchables, au-dessus de la justice, ils faisaient et défaisaient les carrières et les libertés. De nombreux opposants furent emprisonnés, muselés, torturés. Même les « Bla Boys », anciens fidèles de Brice Laccruche Alihanga — comme Tony Ondo Mba, Justin Ndoundangoye ou Patrichi Tanassa — ont connu les affres du régime qu’ils servaient avec fanatisme.
Aujourd’hui, c’est l’ex-maître du pays qui crie à la barbarie. « L’histoire est un boomerang : elle finit toujours par frapper ceux qui l’ont utilisée comme arme. » Qui aurait cru voir Ali Bongo implorer la justice internationale ? Dure leçon de pouvoir. Dure chute.