Chaque 3 mai, la communauté internationale célèbre la Journée mondiale de la liberté de la presse, instaurée par les Nations Unies en 1993. Cette date fait écho à la Déclaration de Windhoek adoptée en Namibie en 1991, qui plaide pour un journalisme libre, pluraliste et indépendant, notamment en Afrique.
La Journée mondiale de la liberté de la presse, célébrée le 03 mai de chaque année revêt une importance capitale : elle permet de sensibiliser les citoyens et les gouvernements à l’importance d’une presse libre, de rendre hommage aux journalistes victimes de violences ou de censure, mais aussi de mettre en lumière les atteintes à la liberté de la presse à travers le monde.
Un bond historique du Gabon dans le classement RSF 2025
Le classement mondial de la liberté de la presse 2025, publié par Reporters sans frontières (RSF), marque une avancée spectaculaire pour le Gabon, qui passe de la 56ᵉ à la 41ᵉ place, avec un score de 70,65/100. Cette progression place le Gabon devant plusieurs grandes nations occidentales. Notamment, l’Italie, qui se classe à la 46ᵉ place et les États-Unis, se classant désormais à la 57ᵉ place, soit 16 places derrière le Gabon.
Ce bond de 15 places traduit une dynamique nouvelle depuis l’arrivée au pouvoir du général Brice Clotaire Oligui Nguema, au pouvoir depuis août 2023. Dans un environnement régional encore marqué par la censure et les pressions politiques sur les médias, le Gabon se distingue nettement.
Les dix recommandations de RSF pour un élan durable
Malgré cette avancée significative, RSF appelle à la prudence et à la vigilance. Ainsi, alors que le Gabon amorce une nouvelle phase politique sous la présidence d’Oligui Nguema, Reporters sans frontières (RSF) propose dix mesures clés pour consolider durablement la liberté de la presse. Il s’agit, d’abord, de modifier les articles ambigus du Code de la communication de 2016, œuvre d’Alain Claude Bilie-By-Nze (alors ministre de la Communication), source d’insécurité juridique pour les journalistes, et de garantir un accès équitable à l’information, notamment pour les médias indépendants.
RSF recommande aussi de condamner publiquement les agressions contre les journalistes et d’engager des poursuites contre leurs auteurs, tout en mettant un terme aux intimidations exercées par les forces de sécurité.
L’organisation appelle à cesser les suspensions arbitraires de médias et à associer les journalistes à la désignation des membres de la Haute autorité de la communication (HAC). Elle suggère également de réviser la loi sur la HAC, notamment son article 55, qui autorise des sanctions sans réelle concertation, et de rendre plus transparent le processus d’accréditation des journalistes étrangers.
Enfin, RSF encourage la formation des juges et des forces de l’ordre aux nouvelles règles encadrant les délits de presse, ainsi que l’instauration d’un financement équitable et transparent des médias, débarrassé de tout favoritisme. Ces recommandations visent à instaurer un environnement médiatique plus libre, équilibré et responsable.
Entre deux ères : le bâillon d’Ali Bongo, l’ouverture sous Oligui Nguema
La liberté de la presse au Gabon ne peut être analysée sans évoquer la rupture radicale entre la gouvernance d’Ali Bongo Ondimba et celle de l’actuel président de la Transition. Sous le régime Bongo, la presse était largement muselée : les médias publics servaient d’organe de propagande, dédiés à chanter les louanges du pouvoir. Les médias privés critiques faisaient face à des intimidations, des suspensions fréquentes, voire des poursuites judiciaires. L’auto-censure était devenue la norme, la peur omniprésente.
En revanche, depuis la chute d’Ali Bongo en août 2023, le pays vit une libéralisation sans précédent du paysage médiatique. Des médias indépendants ont pu reprendre la parole, des journalistes ont dénoncé les abus passés sans être inquiétés, et les débats se sont diversifiés dans l’espace public. Ce changement d’environnement explique en grande partie le bond de 15 places dans le classement de RSF 2025.
La Journée mondiale de la liberté de la presse 2025 a une résonance particulière pour le Gabon, qui s’extrait de l’ombre d’un passé autoritaire pour entrevoir une presse libre et plurielle. Si la gouvernance d’Ali Bongo a laissé l’image d’un pouvoir verrouillant l’information, celle de Brice Oligui Nguema marque une parenthèse d’ouverture. À condition que les recommandations de RSF soient pleinement intégrées, le Gabon pourrait devenir un modèle en Afrique centrale en matière de liberté de la presse. La vigilance citoyenne, la mobilisation des journalistes et la volonté politique devront ensemble écrire la suite de cette transition.