Libreville, 30 mai 2025 – L’auditorium de Gabon 1ère a accueilli, ce vendredi un séminaire inédit sur l’intelligence artificielle (IA) dans le secteur des médias, organisé à l’occasion de la Journée mondiale de la presse, célébrée en différé. Pour cette année, le thème choisi est : « Informer dans un monde complexe : l’impact de l’intelligence artificielle sur la liberté de la presse et des médias ».
Initié par le ministère de la Communication et des Médias, l’événement a rassemblé des figures clés du paysage médiatique et institutionnel, dont en plus du ministre de tutelle, Paul Marie Gondjout, le Représentant résident de l’UNESCO, Thierry Nzamba, le représentant du directeur général de l’OIF, Docteur Hans De Marie Heungoup. Dans son discours d’ouverture, le ministre a rappelé l’importance de l’éthique et de la rigueur professionnelle dans la production d’informations fiables et crédibles, en affirmant que l’IA, aussi puissante soit-elle, ne saurait remplacer l’exigence de qualité qui fonde le journalisme.
Les débats ont permis de dresser un panorama des opportunités offertes par l’IA dans le secteur des médias au Gabon. Selon Rafael Mezui Minsta, directeur général adjoint du Groupe d’intérêt public Post-Télédiffusion (GIPPT), « l’IA doit être utilisée pour assister l’homme dans ses tâches. La base de l’IA repose sur les données que l’homme renseigne ». Ces propos soulignent le rôle complémentaire de cette nouvelle technologie : un outil puissant pour analyser des données en temps réel, générer des résumés ou optimiser la diffusion de l’information. Plusieurs intervenants ont insisté sur la nécessité d’une adaptation rapide des professionnels pour rester compétitifs dans un secteur en mutation.
Des opportunités… mais aussi des risques bien réels
Cependant, l’utilisation de l’IA dans la production de contenus soulève des questions. Capable de rédiger des articles, de formater des contenus ou d’adapter les publications aux préférences des lecteurs, l’IA peut introduire des biais ou altérer la qualité de l’information. Magloire Blampain, expert invité, a mis en garde : « La qualité et la véracité de l’information restent essentielles, et l’IA doit être un outil complémentaire, non un substitut au travail journalistique ». Cette vigilance est d’autant plus nécessaire que des outils comme ChatGPT ou DeepSeek, en générant automatiquement des articles, risquent de banaliser l’acte journalistique et d’affaiblir le rôle critique des rédactions.
Encadrer l’IA pour préserver l’éthique journalistique
La question éthique a également occupé une place centrale dans les débats. Pr Pierre Moukeli a alerté sur les risques de manipulation des contenus et sur l’opacité des algorithmes. « Le rôle du journaliste est d’encadrer ces technologies, pour garantir une information fiable et respectueuse des principes démocratiques », a-t-il insisté. Dans un contexte où les algorithmes des réseaux sociaux filtrent les contenus selon les préférences des utilisateurs, le risque est grand entre créer des bulles d’opinions homogènes et de fragiliser le pluralisme des idées.
Former les journalistes pour mieux maîtriser l’IA
Face à ces défis, une recommandation a émergé de façon unanime : instaurer des formations spécifiques sur l’utilisation et l’encadrement de l’intelligence artificielle. L’objectif est de permettre aux journalistes gabonais de s’approprier ces outils, d’en comprendre les limites et d’éviter que l’IA ne devienne une boîte noire incontrôlable. Cette démarche vise à préserver l’indépendance éditoriale et la liberté de la presse tout en exploitant le potentiel de l’IA pour moderniser les pratiques journalistiques.
En définitive, cette journée a permis de poser les bases d’une réflexion collective sur l’intégration de l’IA dans le secteur des médias au Gabon. Si l’intelligence artificielle représente une opportunité majeure pour repenser la production de contenus, elle appelle à une vigilance accrue et à un encadrement rigoureux. Comme l’a affirmé le ministre Paul Marie Gondjout, « le défi est d’innover sans jamais perdre de vue l’exigence éthique qui fonde le journalisme ». Une ambition qui passe par la formation, l’adaptation des compétences et une réflexion partagée sur le rôle des médias à l’ère numérique.