Entre vidéos virales, révélations explosives et pressions des forces de l’ordre, l’affaire Sylvia et Noureddin Bongo Valentin secoue les fondations de la justice gabonaise. Dans l’œil du cyclone : Me Gisèle Eyue Bekale, avocate de la famille Bongo, encerclée, attendue, mais toujours debout.
Depuis la sortie du territoire gabonais de l’ancien président Ali Bongo Ondimba, de son épouse Sylvia et de leur fils aîné Noureddin, la vie politique et judiciaire du Gabon est entrée dans une zone de turbulence. Multiplication de plaintes, diffusion d’audios compromettants et, plus récemment, une vidéo, parmi tant d’autres, qui a mis le feu aux poudres.
Dans cette séquence largement relayée sur les réseaux sociaux, on découvre un échange étonnamment détendu, presque complice, à la limite d’une séquence détente dans un bar d’Akébé Plaine, entre Noureddin Bongo Valentin — interpellé au lendemain du coup de force d’août 2023 — et un juge d’instruction. Les deux hommes semblent s’entretenir « en toute familiarité », dans ce qui serait, selon les interprétations, le bureau même du magistrat. Ils sont presque « à tu et à toi ». La scène, diablement surréaliste, captée dans un cadre qui ressemble à celui d’une audition officielle, interroge et scandalise.
Comment une telle vidéo a-t-elle pu être filmée dans le saint des saints de la procédure judiciaire ? Pourquoi une femme de loi serait-elle amenée à tenir de propos d’un autre temps ? L’angle de la prise de vue, cadre-t-elle avec celle de la position de l’avocat pour qu’elle soit indexée ? Est-ce normal que le Gabon soit pris en otage par Ali Bongo et sa famille ? Le climat d’indignation populaire se mêle aux soupçons d’instrumentalisation.
Me Gisèle Eyue Bekale dans la tempête
Si cette vidéo a provoqué un tollé, les répercussions immédiates se sont abattues sur Me Gisèle Eyue Bekale, avocate de la famille Bongo. Laquelle – alors que Sylvia et Noureddin se la coulent douce dans l’hexagone, l’épouse et mère des enfants de Eric Bekale, proche d’Alain Claude Bilie By Nze, est dans l’œil du cyclone – Elle est aujourd’hui au centre d’une pression des Forces de l’ordre rare et jamais vue depuis l’arrivée au pouvoir de Brice Clotaire Oligui Nguema. Dans ses bureaux de Libreville, c’est une atmosphère de siège : présence des militaires accrue ; sommation à comparaître ; convocation à la Direction générale des recherches (DGR) ; impossible pour elle de se doucher ; calfeutrée, Me Gisèle Eyue Bekale est transie de peur de sortir de ses bureaux au risque d’être arrêtée….
Selon des sources concordantes, c’est suite aux déclarations filmées à son insu par la juge d’instruction elle-même, grâce à une caméra espionne de haute technologie, dit-on ici et là, que cette offensive s’est intensifiée. Un fait rare, voire sans précédent dans l’histoire judiciaire gabonaise, tant il est improbable qu’un magistrat accepte d’être filmé volontairement dans son propre bureau. Pour plusieurs observateurs, ces fuites relèvent d’un plan bien orchestré destiné à discréditer la justice gabonaise.
Face à la gravité de la situation et au déchaînement médiatique, la justice gabonaise n’est pas restée silencieuse. Le ministère de la Justice a annoncé l’ouverture d’une enquête administrative et déontologique. L’objectif affiché est de faire la lumière sur les conditions dans lesquelles cette vidéo a été tournée, sur d’éventuelles fautes professionnelles, et de restaurer la crédibilité d’une institution désormais fragilisée par cette affaire.
Cette enquête vise aussi à répondre à une opinion publique de plus en plus suspicieuse, dans un contexte où la justice est accusée, tantôt de complaisance, tantôt de règlement de comptes politiques ou de pratiques mafieuses.
Le Bâtonnier monte au créneau
Dans une lettre officielle datée du 10 juillet 2025, le bâtonnier, Maître Raymond Obame Sima, a exprimé son inquiétude face à la situation. Il rappelle que le cabinet d’un avocat est inviolable, selon l’article 68 de la loi gabonaise sur la profession, et que toute enquête doit impérativement passer par lui. Malgré une convocation transmise à Me Eyue Bekale avec une antérieure à celle de sa réception, le bâtonnier a assuré le respect des procédures et la dignité de sa consœur.
Il appelle à la sérénité, à la vigilance et au respect des droits humains, tout en affirmant que le Barreau jouera pleinement son rôle dans cette affaire très sensible.
L’affaire Sylvia et Noureddin Bongo dépasse désormais le cadre d’un simple dossier judiciaire. Elle met à nu les tensions, les failles et les pressions qui pèsent sur la justice gabonaise, dans un contexte post-Bongo encore instable. L’image d’une avocate encerclée et sommée de se justifier, d’un juge filmé à son insu, et d’une enquête lancée dans l’urgence, donne le sentiment d’un système au bord de l’implosion. Plus que jamais, l’indépendance de la justice est mise à l’épreuve.
