Si une loi sur la pêche existe bel et bien (la Loi n° 015/2005 portant Code des pêches et de l’aquaculture), elle s’avère incomplète, car les textes d’application qui devraient encadrer sa mise en œuvre ne sont toujours pas pratiqués. En résulte un flou juridique persistant qui pénalise les acteurs du secteur, principalement les pêcheurs artisanaux, livrés à eux-mêmes face à des contrôles arbitraires, des sanctions incohérentes et une forme d’injustice institutionnalisée.
A l’occasion de la journée de réflexion sur la pêche artisanale, organisée le 14 juillet dernier, plusieurs voix se sont élevées pour dénoncer cette situation persistante. Un pêcheur témoigne : « Il y a bien une loi pour encadrer la pêche au Gabon, mais elle n’est pas accompagnée de textes qui précisent comment l’appliquer. » Ce vide juridique ouvre la porte à des sanctions inégales : pour une même infraction, certains paient 50 000 FCFA, d’autres jusqu’à 500 000 FCFA, a révélé un acteur du secteur. Une telle disparité sème la confusion et nourrit un sentiment d’injustice généralisé.
Pour ce qui est des contrôles, les pêcheurs dénoncent également le comportement de certains agents de contrôle en mer. Accusés de retirer le moteur des embarcations, ces derniers laissent ainsi les occupants dériver au large. Ces méthodes brutales, jugées dangereuses, mettent des vies humaines en péril alors qu’il serait plus judicieux de ramener les contrevenants au port pour y appliquer une sanction réglementée et sécurisée.
Autre difficulté majeure : le manque de coordination entre les différents services de contrôle maritime. Chacun opère de son côté, ce qui multiplie les inspections et épuise les professionnels du secteur. Cette gestion désorganisée alimente les tensions et les incompréhensions. Face à de telles difficultés la suggestion de créer un guichet unique afin de centraliser les démarches, harmoniser les contrôles et limiter les abus a été émise.
Par ailleurs, dans ce climat d’anarchie, un autre constat est relevé : ceux qui respectent la loi sont souvent désavantagés. Pendant que certains pêcheurs en règle sont bloqués ou sanctionnés sans clarté, d’autres, sans autorisation, continuent de pêcher librement en versant des pots-de-vin, nous a confié un habitué du métier. Ce système parallèle mine la confiance et affecte l’approvisionnement des marchés, déjà confrontés à la rareté du poisson.
Face à ces nombreux dysfonctionnements, les acteurs du secteur appellent les autorités compétentes à prendre leurs responsabilités. Il devient urgent d’adopter et de publier les textes d’application de la loi sur la pêche, afin d’instaurer un climat d’équité, de sécurité et de transparence, bénéfique à la fois pour les pêcheurs et pour la souveraineté alimentaire du pays.
