L’affaire Me Gisèle Eyue Bekale provoque une onde de choc au sein du Barreau du Gabon. Une vidéo virale, des convocations précipitées et une procédure judiciaire controversée relancent les débats sur le respect des droits des avocats et la place du Barreau dans la société gabonaise.
Dans une lettre datée du 10 juillet 2025, le bâtonnier de l’Ordre des avocats du Gabon, Maître Raymond Obame Sima, s’est exprimé avec une rare fermeté et un sens aigu de la responsabilité face à une situation qui met à l’épreuve les fondements même de l’État de droit. Cette prise de parole officielle révèle bien plus qu’une affaire individuelle : elle éclaire une faille systémique dans la coordination entre le pouvoir judiciaire et les garants du droit de la défense.
L’affaire implique Maître Gisèle Eyue Bekale, visée par une enquête pour « atteinte à la personnalité » au terme de l’article 288 du Code pénal. Elle est déclenchée dans un climat de confusion médiatique, suite à la diffusion d’une vidéo jugée compromettante. Mais très vite, l’aspect médiatico-judiciaire cède la place à un débat de nature profondément politique et juridique : celui du respect des procédures et des garanties accordées à un avocat dans l’exercice de ses fonctions.
Intrusion non sollicitée d’enquêteurs dans un cabinet d’avocats
Le bâtonnier rappelle qu’« aucune enquête (…) ne peut être menée contre l’avocat suspecté d’une infraction sans que le bâtonnier n’en soit immédiatement informé. » Il dénonce l’intrusion non sollicitée d’enquêteurs dans un cabinet d’avocats, qualifiant leur présence de « violation de la loi ». Le fait que la convocation adressée à Maître Eyue soit remise après l’heure prévue de comparution alimente un climat de suspicion et d’improvisation institutionnelle.
Le ton du bâtonnier, empreint de gravité, interroge sur la volonté réelle des autorités judiciaires à respecter le rôle du Barreau comme organe de régulation et de protection des droits fondamentaux. À travers ses mots, on lit en filigrane une mise en garde contre les dérapages et les pressions qui pourraient fragiliser l’indépendance des avocats. « Le Barreau du Gabon (…) n’a pas pour ambition de faire obstruction à une enquête judiciaire (…), mais il doit veiller au strict respect des procédures légales », écrit Me Obame Sima.
Mécanismes internes de régulation professionnelle
Cette affaire, dans son traitement médiatique et institutionnel, souligne les tensions latentes entre la justice administrative et les mécanismes internes de régulation professionnelle. Elle pose une question centrale : l’avocat gabonais peut-il exercer en toute sécurité et dignité dans le cadre d’un État qui se revendique de droit ?
Enfin, la lettre du bâtonnier lance un appel à la vigilance face aux « sorties précipitées et malicieuses » de certaines voix publiques non habilitées à parler au nom du Barreau. Une mise en garde politique dissimulée derrière un message de cohésion corporative. Dans une société où la justice peine parfois à convaincre, cette affaire agit comme un révélateur des fragilités du système — mais aussi des forces internes prêtes à les corriger.
