Le président libérien, Joseph Boakai, a solennellement présenté, samedi, les excuses officielles de l’État aux populations pour les souffrances endurées lors des deux conflits civils qui ont ravagé le pays entre 1989 et 2003, causant près de 250 000 morts et d’innombrables traumatismes.
Cette déclaration a été faite dans le cadre d’une cérémonie nationale de réconciliation organisée dans la capitale, Monrovia, quelques jours seulement après un hommage posthume rendu aux anciens chefs d’État Samuel Doe, capturé, torturé puis exécuté au début de la première guerre civile, et William Tolbert, assassiné lors du coup d’État militaire de 1980. « Je présente, au nom de l’Etat libérien, des excuses sincères à chaque famille endeuillée, à chaque victime, à chaque rêve brisé », a déclaré le chef de l’Etat, très ému. «L’Etat aurait pu faire davantage. Nous devons nous engager pleinement à ne plus jamais vous abandonner », a-t-il poursuivi.
Les deux guerres civiles successives ont profondément meurtri la société libérienne : massacres de masse, mutilations, violences sexuelles systématiques, enrôlement forcé d’enfants soldats… Le pays peine encore à se relever de ces décennies de chaos.
Une justice toujours en suspens
Plus de deux décennies après la fin des hostilités, aucun tribunal national n’a encore été mis en place pour juger les auteurs présumés de ces crimes. En 2009, la « Commission vérité et réconciliation » (que certains pays de l’Afrique subsaharienne ne veulent pas mettre en place) avait pourtant recommandé la création d’une cour spéciale pour poursuivre les responsables de crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Mais cette initiative est restée lettre morte, notamment en raison de la présence persistante de figures influentes issues de l’ancien conflit dans les hautes sphères de l’État. Certains anciens chefs de guerre sont encore perçus comme des « héros » dans leurs bastions communautaires.
En avril 2024, un tournant s’est amorcé : le sénat libérien a adopté à l’unanimité un projet de loi visant à instaurer un tribunal chargé de juger les crimes commis durant les deux conflits. Un soutien inattendu était venu de l’ancien seigneur de guerre Prince Johnson, lui-même mis en cause dans plusieurs enquêtes et qui, avant son décès en novembre 2024, avait voté en faveur du texte. Cette avancée faisait suite à un vote similaire à la Chambre des Représentants et à une pression constante des organisations de la société civile, ainsi que de la communauté internationale.
En attendant la mise en place effective de cette juridiction, c’est à l’étranger que certains anciens criminels de guerre libériens ont été poursuivis. L’ONG Civitas Maxima s’est illustrée en menant des actions judiciaires dans plusieurs pays, dont la Suisse, la France et la Finlande.
Un devoir de mémoire et de justice
Par ce geste de reconnaissance solennelle, Joseph Boakai espère ouvrir une nouvelle page dans l’histoire du Liberia, marquée par la justice et la réconciliation. Mais de nombreux Libériens restent en attente d’actes concrets : la fin de l’impunité demeure une exigence incontournable pour reconstruire durablement la confiance entre l’État et ses citoyens.
