Lors du Conseil des ministres du vendredi 30 mai 2025, le président Brice Clotaire Oligui Nguema, a décidé l’interdiction d’exporter le manganèse brut à partir du 1er janvier 2029 et de privilégier sa transformation locale. Cette décision, comme il fallait s’y attendre, semble avoir été mal accueillie par Eramet, la maison-mère de la Comilog, principal exploitant de cette matière première au Gabon, qui met en avant l’incapacité industrielle du pays, principalement son insuffisance énergétique et même de la main-d’œuvre qualifiée. Dans une interview fleuve accordée à certains de nos confrères, L’ancien Administrateur directeur général de Comilog et ancien ministre du Pétrole, Marcel Abeké, a balayé ces insinuations du revers de la main. Synthèse.
D’entrée, Marcel Abeké a signalé le souhait, depuis des décennies, des pouvoirs publics gabonais de transformer les ressources minières localement. Ce projet, vieux de près d’une cinquantaine d’années, était cher à Omar Bongo, qui avait fait de la formation de certains cadres gabonais par la Société de ferromanganèse de Paris-Outro (SFPO) comme prémices de la transformation locale du manganèse.
Sur les inquiétudes exprimées sur la faisabilité technique et énergétique pour la transformation locale à grande échelle et les investissements prévus pour 2029, date butoir pour la transformation locale du manganèse.
L’ancien Administrateur directeur général de la Comilog ne voit aucune raison particulière de s’inquiéter sur la capacité pour un pays souverain, comme le Gabon, quant à la mobilisation des moyens pour rendre réalisables tous les projets qu’il aimerait entreprendre. « Le Gabon a décidé de la transformation de toute sa production de manganèse, il ne serait plus possible d’exporter du manganèse brut. C’est donc aux opérateurs du secteur de prendre toutes les dispositions pour que d’ici les trois ans accordés par l’Etat, pour n’exporter que des produits finis. L’exportation concernera désormais le silico-manganèse ou le ferromanganèse. Certains opérateurs ont compris le message et ont déjà commencé à s’investir sur les projets pour être prêts avant la date indiquée. »
![[Interview de Marcel Abeké accordée à Gabon 1ère, Gabon 24 et l’Union] « La décision du président de la République, Brice Clotaire Oligui Nguema d’interdire l’exportation du manganèse brut est souveraine » 1 [Interview de Marcel Abeké accordée à Gabon 1ère, Gabon 24 et l’Union] « La décision du président de la République, Brice Clotaire Oligui Nguema d’interdire l’exportation du manganèse brut est souveraine »](https://gabonclic.info/wp-content/uploads/2025/06/WhatsApp-Image-2025-06-26-at-23.27.30-1024x710.webp)
A propos des arguments d’Eramet concernant les problèmes d’infrastructures, de l’énergie et des zones industrielles.
Marcel Abéké rappelle qu’avant la réalisation de l’Ecole des mines et de la métallurgie de Moanda (E3MG), dans laquelle Comilog a investi, il n’y avait pas suffisamment d’énergie pour son opérationnalité. C’est une question de volonté. Et la volonté politique s’est exprimée par Omar Bongo et aussi de la part du management d’Eramet de l’époque. Une coopération s’est alors instituée entre les deux parties. L’Etat gabonais a investi dans le Grand Poubara pour la production de l’électricité, et Eramet a investi dans la partie industrielle. C’est dans le même esprit qu’il faut donc inscrire les grandes orientations données par le président de la République, Brice Clotaire Oligui Nguema. Qui peut se traduire par : « On vous donne trois ans pour être prêts ». D’autant plus que ces orientations ne datent pas d’aujourd’hui, mais du temps d’Omar Bongo, dans les années 70, et reprises par ses successeurs. D’où l’inauguration de l’E3MG en 2015, avec la volonté affichée d’avoir de moins en moins de produits bruts exportés.
Pourquoi un retard à l’allumage, d’autant que la décision s’était déjà manifestée ?
Selon Marcel Abeké, « il n’y a pas de retard. D’autant plus que l’usine a été inaugurée en 2015 et, actuellement, le Gabon produit du silico-manganèse. La transformation du manganèse se compose d’une partie chimique appelée le manganèse métal et une partie de pyrométallurgie. Il s’agit maintenant d’intensifier cette production pour diminuer la quantité de brut au profit de la quantité transformée, en investissant un peu plus dans les usines de transformation. En ce qui concerne le problème d’énergie électrique, quand le Grand Poubara a été construit, avec une production de 160 MWH, avec un potentiel de 280 MWH, la moitié avait été réservée pour les investissements de la Comilog et aussi pour des opérateurs miniers, comme Gabon Mining et la société chinoise basée à Ndjolé. Il suffira donc de réfléchir à accroître la capacité du Grand Poubara. Il y a aussi un potentiel énergétique à travers tout le Gabon. Il existe donc des possibilités d’interconnexion, c’est une question de volonté. Si c’est pour cela qu’Eramet veut de la résistance, c’est mal venu. »
Les montages financiers pour la réussite du pari
Pour le financement, il en existe plusieurs types comme, par exemple, ceux conventionnels et ceux issus d’associations entre les différents producteurs ou partenaires, comme cela existe dans d’autres secteurs. Les usines actuelles de la Comilog ont été financées par des partenaires internationaux
Le Gabon est aujourd’hui suffisamment outillé en matière de main-d’œuvre qualifiée pour relever le défi. Quand on veut quelque chose, on met les moyens. On a voulu du Complexe métallurgique de Moanda (CMM) et on y a mis les moyens. Justement pour le CMM, dont l’équipement est d’origine chinoise, on a envoyé des collaborateurs, des ingénieurs et des techniciens en Chine, pendant six à dix-huit mois, pour se former. Ils sont revenus. Ce sont ces cadres actuellement aux commandes. Pour la maîtrise ou l’exécution, il y a des programmes de formation mis au point sur place à Moanda. Et aujourd’hui, dans la salle de contrôle de l’usine, il n’y a que des Gabonais. D’où la création de l’Ecole des mines, qui s’est muée en Ecole des mines et de métallurgie, en prévision justement de la transformation des mines qui était déjà envisagée, et qui forme des ingénieurs et des techniciens supérieurs. Une anticipation en quelque sorte. Ces personnes doivent maintenant être utilisées, puisque c’était dans la perspective de limiter la main-d’œuvre extérieure et l’exportation des matières brutes. Ce qui permet d’avoir des produits à forte valeur ajoutée.
A propos de formation, à part l’E3MG, y a-t-il des partenariats avec d’autres écoles pour le cap de 2029 ?
Bien sûr qu’il y a des partenariats avec d’autres écoles, mais l’E3MG est suffisamment outillée pour former la main-d’œuvre nécessaire. Il avait été même question d’élargir l’accès à d’autres étudiants des pays de la sous-région. Il nous faut maintenir l’effectif nécessaire et former la quantité nécessaire de personnes qualifiées.
Dans son interview du 16 juin, la PCA d’Eramet Bories a déclaré : « Transformer localement le manganèse au Gabon reviendrait à mettre à mettre au Gabon, deux fois la capacité de transformation de l’Europe », quelle interprétation en fait le gouvernement ?
Marcel Abeké juge cette information infondée. Pour lui, le chef de l’Etat n’a jamais déclaré que les dix millions de tonnes de manganèse soient effectifs en trois ou quatre ans. Il a dit : « Je ne veux plus entendre parler de manganèse brut à l’export ». Mais entretemps, on peut le faire d’une manière progressive et arriver, plus tard, à 10 millions de tonnes. « Il faut le faire de manière progressive, au fur et à mesure qu’on prend des dispositions énergétiques ou autres. A Poubara, il y avait de l’énergie disponible. Qui doit utiliser cette énergie ? C’est Comilog, c’est Eramet, c’est MGM ou d’autres », a estimé l’ancien membre du gouvernement de la Transition.
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Pour lui, « il faut faire en sorte que les choses puissent se produire selon le souhait du gouvernement. De toutes les façons, c’est une orientation qui a été prise par les plus hautes autorités du Gabon, il ne peut en être autrement. Il n’est pas question de faire de la résistance, il faut s’asseoir et voir la faisabilité de cette décision », a-t-il estimé. Tout en conseillant que ce n’est pas en faisant de la résistance qu’ils amèneront le président Brice Clotaire Oligui Nguema à changer d’avis. « Pas en posant dix mille conditions comme : « Il faut une énergie peu chère, une énergie propre, une énergie bleue, etc. »
Et de déclarer : « J’en sais quelque chose, parce que pour le CMM, c’est moi qui ai négocié les prix de l’énergie. Bon, à l’époque de la négociation, c’était beau d’exiger de l’Etat gabonais le prix de 10 francs le KWH. Mais quand on demande au Gabon 10 francs le KWH, nos usines qui étaient à l’extérieur du pays, étaient largement au-dessus de 15 francs. Pourquoi venez-vous demander au Gabon des tarifs que vous n’exigez pas aux autres ? Nous sommes, comme on a tendance à le dire, un petit pays, mais le taux d’industrialisation n’a rien à voir avec la démographie. »
Sur les déclarations de la PCA d’Eramet, qui remet en cause la capacité de transformation du manganèse par le Gabon.
Marcel Abeké est clair : « Je crois que ce n’est pas une bonne interprétation des choses. Là, on voit encore qu’il n’y a pas une certaine volonté, parce que c’était une condition de plus qu’on pose, pour faciliter la réalisation de cet objectif des autorités gabonaises. On prend un élément de plus. On prend le chiffre de 10 millions de tonnes, pour diviser par trois, ça donne un peu plus de 3 millions de tonnes de produits finis. C’est peut-être cela la capacité en Europe, qui doit être de 2 millions ou 2,5 millions et puis on se dit voilà. Si on fait cela, vous allez devoir produire 3 millions de tonnes de ferromanganèse ou de silicone. Ce n’est que cela que nous avons demandé. Nous, on a dit que nous voulons mieux gérer nos ressources naturelles. Et si on comprend cela, je crois qu’on a compris tout le reste. Nous voulons mieux gérer nos ressources naturelles, parce qu’il ne faut pas oublier que cette société voulait monter à 15 millions de tonnes. Alors, vous divisez les réserves par 15 millions de tonnes, vous allez vous retrouver avec une durée de vie d’exploitation du gisement de Moanda de vingt ans. Et après, il va falloir parler de l’après-manganèse. »
Un défi lancé au Gabon ?
« Ce n’est pas loin de ça », reconnaît l’ancien ADG de la Comilog. « Mais moi je dis que les autorités ont très bien réfléchi. Cela fait plus de soixante ans qu’on exploite le minerai brut. Et en soixante ans, l’Etat gabonais a formé des jeunes. Il y a, au Gabon, des gens qui savent calculer. On n’a pas attendu des gens de l’extérieur pour nous montrer comment il fallait exploiter une mine. Les mines aujourd’hui, au Gabon, peuvent être exploitées par les Gabonais, à l’exclusion de tous les autres. On ne veut chasser personne, je crois qu’on a besoin de tous les autres pour travailler ensemble dans la même synergie. Mais on ne veut pas qu’on vienne nous imposer des choses. On a aussi été chez les autres, on sait comment ça se passe. On ne s’est jamais imposé chez les autres. Et quand on arrive chez nous, on aimerait bien que les gens nous respectent. Quand on prend une décision, les gens doivent entrer dans les dispositions de ces décisions », a-t-il déclaré.
Que répondre à ceux qui pensent que les pays africains ne doivent pas viser une telle ambition de la souveraineté en matière de transformation de manganèse ?
Marcel Abeké pense que le Gabon trace sa propre voie. « Nous ne sommes pas les seuls. Il y a beaucoup de pays qui se sont lancés dans la transformation. Des pays comme l’Indonésie, la RDC, le Botswana, et plein d’autres qui pensent qu’il est temps qu’on lève le pied sur les matières brutes et qu’on essaie de nous amener un peu plus de valeur ajoutée. C’est comme cela qu’on va se développer, et non prendre tous les produits pour les exporter, avec tous les problèmes que cela pose. Il faut exporter dix millions de tonnes sur le chemin de fer, vous voyez ce que cela peut faire ? Alors que si on transforme, cela correspondra peut-être à deux millions de tonnes de produit raffiné. C’est quand même plus facile de gérer deux millions de tonnes par rapport à dix millions de tonnes. Les deux millions peuvent vous rapporter plus, en plus de la création des emplois. Vous allez voir des sociétés qui vont se créer dans les différents secteurs liés à la production de brut, avant d’aller dans le secteur transformé », estime M. Abeké.
Des opérateurs craignent une rupture brutale, des frictions économiques pour ces acteurs déjà implantés
L’ancien ministre répond : « Il n’y a pas de raison de crainte. Je crois qu’il s’agit seulement de manifester sa volonté d’aller dans le sens des pouvoirs publics. Quand on a fait le CMM, nous avons posé les premières conditions, les pouvoirs publics ont manifesté de la compréhension et ils ont dit : « Nous allons faire Poubara ». Et on ne s’était pas aligné, je crois qu’on n’allait pas faire grand-chose. Les pouvoirs publics ont pris leurs responsabilités et ont réalisé Poubara. C’est une question de compréhension mutuelle. La preuve, vous avez les autres opérateurs qui n’ont pas réagi. Ils ont opté pour la réflexion. Et dès qu’on aura bien regardé tous les contours, on pourra se rapprocher des pouvoirs publics pour dire : faisable ou pas faisable, ou faisable sous telles conditions ; mais ce n’est pas en faisant de la résistance. »
Le Gabon ambitionne de capter de la valeur ajoutée localement, cette volonté s’inscrit-elle dans une dynamique continentale ?
Sans sous-entendu, Marcel Abeké estime que la décision du Gabon est souveraine. « Je ne sais pas si ces pays du continent se sont entendus, ou si c’est vraiment une coïncidence. Mais la tendance est celle-là, aller vers plus de valeur ajoutée sur place. Cela concerne tous les produits, même dans le secteur de l’agriculture. Nous, on essaie de faire dans la production du manioc. Mais si vous allez à Gafou, vous allez trouver des petites boîtes, toutes faites, avec la farine de manioc « Made in Gabon » des Plateaux Batéké. A l’époque, on sortait les tubercules, on en faisait de la pâte de manioc et on s’arrêtait là, ou on pouvait en vendre. Mais maintenant, on va plus loin. La tendance est celle-là et on la retrouve dans tous les pays, aussi bien dans les ressources minières que dans les produits agricoles, que d’autres secteurs ou produits. »
Au-delà de l’économie, cette décision à une symbolique forte, celle du président de la République d’affirmer une souveraineté sur la chaîne des valeurs. Quel message envoyé aux partenaires internationaux, aux investisseurs et à l’opinion publique sur le sens politique et économique de cette mesure ?
L’ancien ministre affirme ne pas juger les décisions des autres, mais bien celles du Gabon. « Les différents pays sont souverains. Cette souveraineté va se manifester aux plans industriel et économique. Tous les pays feront tout pour essayer de remonter vers la chaîne de valorisation de tous les produits, et faire en sorte que la valeur ajoutée puisse être ramenée au fur et à mesure. Donc, on remonte dans la chaîne de la valeur ajoutée des différents produits. Pour les pays comme le nôtre, on a suffisamment de force pour imposer aux opérateurs qui opèrent chez nous, les nouvelles dispositions. Il ne s’agit pas de les chasser. Il faut que l’Etat donne quand même plus d’orientations, parce que les opérateurs sont aussi perdus. Sinon, c’est l’opérateur qui fait ce qu’il veut et, pendant longtemps, ce sont les opérateurs qui faisaient la loi. Maintenant, des Etats comme les nôtres, bien que petits, sont tout de même puissants. On peut aider le pays aussi. On peut donner un certain nombre d’éléments au pays sur l’extérieur, sur ce qui se passe. Mais le pays aussi a des informations, on n’est plus à l’époque coloniale. Aujourd’hui, on a la main-d’œuvre qualifiée, des gens sur place. Si vous allez dans la plupart des sociétés, vous verrez que toutes les usines sont pilotées par des Gabonais. Donc, il faut que les opérateurs nous respectent un peu plus. »
La compétitivité de l’offre gabonaise, plus complexe ou plus coûteuse, pour le transport. Comment arriver à maintenir l’attractivité commerciale de son manganèse transformé dans un marché globalisé et concurrentiel ?
Marcel Abeké est sans détour : « Les produits transformés ne représentent pas le même volume que les produits bruts. Si on baisse côté brut, le transport sera soulagé, plus organisé et connaîtra un peu moins de problèmes. Pas besoin d’énumérer les problèmes que nous avons aujourd’hui, parce qu’avec l’intensité actuelle, on n’a pas nécessairement le temps pour faire ce qu’il faut, en termes de surveillance de la voie, de l’entretien. Peut-être qu’en faisant comme les autres, avec des voies électriques. Mais pour le moment, avec ce qu’on a, il faut faire avec. Les produits transformés ont moins de problèmes, à cause de la quantité. Il y a des pays qui disposent de l’énergie mais qui ont une main-d’œuvre plus coûteuse. Nous, on a une main-d’œuvre, peut-être moins chère, mais peut-être qu’on a moins d’énergie. C’est difficile de trouver un pays qui a tout, qui a l’équilibre parfait, avec l’énergie moins cher, la main-d’œuvre moins chère, cela n’existe pas. Même si vous allez en Chine, vous allez trouver une main-d’œuvre moins chère, mais vous avez de l’énergie qui coûte beaucoup plus chère. »
![[Interview de Marcel Abeké accordée à Gabon 1ère, Gabon 24 et l’Union] « La décision du président de la République, Brice Clotaire Oligui Nguema d’interdire l’exportation du manganèse brut est souveraine » 3 [Interview de Marcel Abeké accordée à Gabon 1ère, Gabon 24 et l’Union] « La décision du président de la République, Brice Clotaire Oligui Nguema d’interdire l’exportation du manganèse brut est souveraine »](https://gabonclic.info/wp-content/uploads/2025/06/WhatsApp-Image-2025-06-26-at-23.28.24-1-1024x555.webp)
Pour cette réforme, la question de l’emploi est centrale. Eramet évoque 10 460 emplois soutenus par Comilog et Setrag. Quelles sont les opportunités économiques qu’ouvre cette politique en termes d’emplois ?
Pour l’ancien ADG, il y aura encore plus d’emplois que ceux actuellement réclamés par Eramet. « Il y aura beaucoup plus d’emplois. Aujourd’hui, nous n’avons que le minerai brut. Demain, nous aurons le minerai transformé dans des installations particulières. Des installations qui demandent énormément de qualifications, d’énergie. Cela veut dire qu’il va falloir des barrages et autres, pour créer des emplois. Les usines, qui seront installées, doivent être entretenues. Il faudrait qu’il y ait des gens qualifiés pour les entretenir. Là, on est en pyrométallurgie, où il y a beaucoup de chaleur. Ce sont des métiers particuliers. Il y aura donc de la formation pour les gens qui y vont travailler. Et puis, il faut transporter ce personnel. Si tout le monde arrive à jouer le jeu, on est parti pour au moins dix mille emplois. »
Les emplois au Gabon pourraient détruire ceux d’ailleurs
M. Abeké coupe net : « Nous avons besoin des emplois pour les Gabonais. Donc, la valeur ajoutée revient ici au Gabon. C’est une conception lancée depuis de nombreuses années. Les opérateurs ont peut-être manqué d’un tout-petit de volonté. Aujourd’hui, les responsables ont pensé qu’il était temps de pousser un peu plus les opérateurs à prendre leurs responsabilités. Cette initiative date depuis longtemps. Les opérateurs ont seulement traîné les pieds. »
Le Gabon pourra-t-il tenir tête à une entreprise comme Eramet, lorsqu’on sait comment se comportent ces grands groupes face aux pays africains. Le Gabon peut-il tenir face à Eramet ?
« Nous sommes des partenaires, mais il y a un qui amène les moyens, qui est le financier, l’autre dispose de son minerai. Il dispose de son sous-sol et dit : « Tu exploites mon sous-sol, tu dois face ceci ou cela ». C’est d’ailleurs les conditions actuellement posées aux gens du fer. On a dit : « Vous venez, vous prenez le fer, mais la finalité c’est de transformer ce fer localement », déclare Marcel Abeké.
Résolution des problèmes à Moanda ?
L’ancien ADG de LA Comilog a semblé marché sur des œufs. « Pour ce qui concerne l’employabilité, c’est évident, c’est clair. Puisque, quand on a commencé, on est passé de 1500 à 2000 personnes. Ce qui veut dire qu’il y a eu 500 emplois directs, en plus des emplois indirects, par des sociétés sous-traitantes de cette nouvelle entreprise qu’on venait de mettre en place. Donc, si demain, au lieu d’avoir une seule usine, ou bien une usine de plus avec cette capacité, on va avoir beaucoup plus d’emplois et résoudre le problème d’employabilité », a-t-il annoncé.
Les plaintes à Moanda où les populations sont actuellement précarisées
Toujours précautionneux, Marcel Abeké se prononce avec circonspection : « Il faut poser cette question, je crois, aux gens qui sont sur place. Parce que, entre mon départ et maintenant, il y a des choses qui m’échappent. Je sais comment je gérais ce personnel. Maintenant, comment se sont passées les choses ? Aujourd’hui, la société a évolué différemment. Peut-être que les responsables ont pris les décisions appropriées et, par rapport au contexte, peut-être dans ce cadre, cela ne rencontre pas l’assentiment des collaborateurs. »
Comilog étant membre du groupe Eramet, pourra-t-elle suivre la voie tracée par Brice Clotaire Oligui Nguema ?
Marcel Abeké est catégorique : « Ont-ils le choix ? Non ! Le minerai est là. Si l’Etat décide de prendre des dispositions par rapport à son minerai, si lui commande, Eramet devra se plier. La société doit pouvoir s’asseoir pour coopérer et puis, voir ensemble les conditions de faisabilité de cette décision récemment prise par les pouvoirs publics. Il vaut mieux négocier plutôt que de faire des observations à l’emporte-pièce. C’est mieux de regarder au lieu de dire que l’Etat doit revoir sa copie, que l’Etat doit refaire ses calculs. Dans l’Etat, il y a des personnes qui savent faire les calculs, Eramet n’est pas la seule qui sait faire des calculs. »
Et l’ancien ADG de conclure : « Je souhaiterais, pour ce qui concerne les responsables d’Eramet, qu’ils prennent conscience de cette décision prise par les pouvoirs publics et les amener à coopérer. Aussi bien qu’eux, que tous les opérateurs miniers puissent s’entendre pour la faisabilité de cette décision, qui date de plus de trente ans. Et trois décennies après, on se rend compte qu’on a valorisé à peine 5% de ce qu’on produit. On peut constater l’échec. Cela veut dire qu’on prend le taureau par les cornes et on dit aux opérateurs : « il faut faire les choses correctement, c’est ce qu’on attend de vous. »
