Face à l’incarcération jugée arbitraire du journaliste Harold Leckat, le politologue Romuald Assogho Obiang rend un vibrant hommage au fondateur de Gabon media time. Il dépeint un homme de presse intègre, dont la ligne éditoriale « dissèque l’actualité au laser » et dont la lumière, loin d’aveugler, « éclaire l’opinion par luminescence froide ». Une tribune poignante qui dénonce l’obscurité qui cherche à éteindre la liberté de la presse au Gabon.
C’est le 17 novembre 2024, sur le chemin de retour à Libreville en provenance d’Oyem où j’avais, la veille, accompli mon devoir civique lors de la votation référendaire sur la Constitution actuellement en vigueur, que j’ai donné à Harold Leckat mon accord pour me prêter à ses questions sur le plateau de Gabon Media Time dès le lendemain 18 novembre dans l’après-midi, soit immédiatement après le direct en duplex déjà programmé avec France 24 sur la même thématique du référendum.
Tout au long du débat constitutionnel Gabon Media Time, France 24, RFI et d’autres médias télévisuels et organes de presse écrite m’avaient régulièrement sollicité pour des entretiens ou pour des articles.
Je n’étais pas alors plus féru du passage à la télévision et de ma signature dans les colonnes des journaux mainstream que je ne le suis aujourd’hui. Préférant de loin la relation souple, intime, familière — et dénuée de prétentions savantes — avec mon clavier de smartphone sur lequel je peux à loisir pianoter ma sensibilité sur les sujets de société.
Rendu dans les locaux de GMT en cette fin d’après-midi du 18 novembre j’ai été agréablement surpris de me voir réserver un accueil empreint de chaleur, d’honneurs et de disponibilité par des jeunes femmes et hommes visiblement passionnés autant par les métiers de la communication et de l’information que de notre pays, le Gabon.
L’abord avec Harold Leckat — à qui je serrais la main pour la toute première fois — m’a donné l’impression de deux hommes d’une même famille mais de générations différentes se retrouvant après avoir été longuement séparés par la distance sans s’être vraiment perdus de vue. La magie des Nouvelles technologies de l’information et de la communication, et surtout celle de la proximité morale, intellectuelle et patriotique.
Les coulisses de GMT : l’empire d’un homme passionné
M’ayant fait servir un petit café (accompagné du verre d’eau minérale de rigueur), et peu avant de m’exposer aux feux de la rampe, mon hôte m’a d’entrée de jeu laissé le choix entre ses deux émissions phares que sont « Le Canapé rouge » et « L’interview exclusive ».
Pour être plus en harmonie avec l’actualité et avec l’ambiance de l’heure nous avons opté pour la deuxième émission.
Une heure et demi plus tard, c’est un maître de céans et des lieux — fondateur et patron du groupe de média privé sans doute le plus dynamique de la décennie en cours, toujours strict dans un costume ou un veston ajusté, la courtoisie et les bonnes manières collées à la peau — ruissellant de générosité et de reconnaissance envers son invité (et probablement davantage envers la Providence) qui, après m’avoir relaté son parcours depuis les bancs de la faculté de droit semé aussi bien d’embûches en tout genre que de rencontres heureuses m’honorera d’une visite (guidée par lui-même) du bâtiment, des installations et même de l’environnement extérieur de son empire, me précédant à chaque pièce, et me présentant à chacun de ses collaborateurs affairés à leur poste de travail.
La plupart, sinon tous, diront me (re)connaître, en vertu certainement de ce mélange du privilège qu’on peut avoir à être enseignant, du contact régulier (virtuel ou visuel) que l’on maintient avec ses compatriotes et de l’autre magie qu’il y a à appartenir à un pays à population très faible, aimé par chacun à sa façon, où tout le monde connaît tout le monde.
Gabon Media Time est l’œuvre matérielle et spirituelle de Harold LECKAT. Cela ne fait aucun doute.
Harold Leckat, la luciole : éclairer sans aveugler
D’ailleurs la ligne éditoriale de ce (multi)média est à l’image du journaliste à l’âme de neurochirurgien de précision qu’il est. Sa devise professionnelle pourrait être : « disséquer l’actualité au laser, non à la hache ; éclairer l’opinion par luminescence froide, pas par incandescence chaude ».
Si le pédagogue sénior doublé d’observateur du Gabon et des Gabonais que je pense être devait attribuer à Harold LECKAT un animal totémique qui symboliserait à la fois son tempérament et son approche de l’information ce serait assurément la luciole.
Ce coléoptère qui, outre sa capacité de communiquer de manière efficace dans les ténèbres de la nuit par jets de luminescence, symbolise aussi — comme je viens de l’apprendre d’une encyclopédie en ligne — la guidance et l’inspiration.
La luciole « enseigne l’importance de trouver et de partager notre propre lumière intérieure, illuminant le chemin pour nous-mêmes et pour les autres. Elle symbolise l’espoir et la capacité de trouver de la clarté dans les moments d’incertitude. »
La lumière contre l’obscurité
Qui donc pourrait être dérangé par la lumière non aveuglante de la luciole au point de la mettre en cage s’il ne trouvait son compte dans l’obscurité ?
L’obscurité, nous a dit Martin Luther King, « ne peut pas chasser l’obscurité ; seule la lumière le peut. La haine ne peut pas chasser la haine ; seule l’amour le peut ».
Or la justice, a dit le poète français Sully Prudhomme avant lui, « est l’amour guidé par la lumière ».
À ces deux égards Harold LECKAT ne saurait être privé de sa liberté pour le seul fait qu’il use avec indépendance, passion et professionnalisme de la liberté de conscience, d’opinion et d’expression ainsi que du droit à l’information qui tous sont consacrés par la Constitution de la République.
En tout cas, pas au nom de la justice.
Romuald Assogho Obiang, Enseignant-chercheur à l’Université Omar Bongo
NB : Les intertitres sont de la Rédaction



