Il est l’un des observateurs du fonctionnement de notre société. Convaincu que l’amélioration des conditions de vie des enseignements induira inéluctablement la qualité de notre système éducatif, il plaide pour « un autre regard » des autorités compétentes en directeur de ce pan très important de notre République. Lecture !
I. LA PRIME D’ÉLOIGNEMENT…PLUS ÉLOIGNÉE QUE LES ENSEIGNANTS EUX-MÊMES.
À l’occasion de la Journée Nationale de l’Enseignant, célébrée le 23 mars 2025 à Libreville, Brice Clotaire Oligui Nguema, alors Président de la Transition, avait pris des engagements forts en faveur du corps enseignant, dont l’instauration d’une prime d’éloignement de 50 000 FCFA pour les enseignants affectés dans les zones reculées. Une mesure à saluer, tant elle s’inscrit dans une logique de justice et d’équité territoriale. En effet, les localités enclavées, souvent marginalisées, peinent à attirer des enseignants, qui préfèrent rester dans les zones urbaines mieux desservies, mieux équipées et plus confortables. Cette prime, si elle est mise en œuvre avec rigueur, peut devenir un levier majeur pour motiver les enseignants à servir dans ces zones négligées, assurant ainsi une couverture éducative équitable sur tout le territoire. Il s’agit d’un impératif pour garantir à tous les enfants, quel que soit leur lieu de naissance, le droit fondamental à une éducation de qualité.
Mais, hélas, trois mois après cette annonce présidentielle retentissante, rien n’a été fait. Aucune commission technique n’a été mise en place, aucune étude de faisabilité n’a vu le jour. On semble partir du point zéro, comme si la promesse n’avait été qu’un effet d’annonce. Pourtant, pour que cette prime soit effective, il est urgent de définir précisément ce que l’on entend par « zone éloignée ». Est-ce une localité inaccessible par la route ? Un village sans réseau téléphonique ? Une école à plus de 100 km d’un centre administratif ? Cette délimitation est essentielle pour éviter les ambiguïtés et les frustrations. Ce travail exige une concertation sérieuse, une cartographie rigoureuse et une volonté politique claire. L’enseignant qui brave les pistes poussiéreuses ou les sentiers boueux mérite reconnaissance et compensation, pas des discours sans suite.
II. LE VÉHICULE DE FONCTION…RÉSERVÉ À TOUS SAUF AUX CHEFS D’ÉTABLISSEMENT.
Dans le même élan de justice, il est temps de dénoncer avec fermeté une autre aberration qui gangrène l’appareil éducatif : l’absence de dotation en matériel roulant pour les chefs d’établissement du primaire et du secondaire. Depuis plusieurs années, ces responsables, véritables piliers de la chaîne éducative, sont laissés-pour-compte. Alors que d’autres services reçoivent régulièrement des véhicules de fonction, les chefs d’établissement doivent se débrouiller, souvent à pied ou en taxi, pour remplir leurs missions. C’est une insulte à leur statut, une hérésie institutionnelle. Comment peut-on exiger d’un chef d’établissement, qui a d’ailleurs sous sa supervision plusieurs personnels, qu’il participe à des réunions officielles et qu’il transmette des dossiers urgents, sans disposer d’un moyen de locomotion digne de ce nom ? Pis encore, en cas d’incident grave (accident, blessure, malaise), le chef d’établissement ne peut assurer le transfert d’urgence de la personne concernée vers une structure de soins. L’image est si révoltante qu’on ose à peine imaginer comment les directeurs des écoles publiques dans les villages ‘’ramperaient’’ pour se déplacer.
Un chef d’établissement est une autorité locale, un gestionnaire, un représentant de l’État. Lui refuser un véhicule de fonction, c’est lui dénier les moyens d’assurer correctement sa mission.
III. L’AVANCEMENT SUR PAPIER…L’IMMOBILISME SUR BULLETIN DE PAIE.
Dans cette dynamique de refondation du système éducatif, le gouvernement est également interpellé sur la nécessité impérieuse de rendre effectifs les effets financiers liés aux régularisations administratives des enseignants. Il faut reconnaître que depuis l’accession au pouvoir des autorités actuelles, des efforts notables sont entrepris pour apurer les situations administratives en suspens : changements de catégorie, reclassements indiciaires, évolutions salariales notifiées. Toutefois, ces réformes demeurent largement théoriques, faute d’un suivi budgétaire conséquent. En effet, les modifications actées sur les actes administratifs ne se traduisent pas en revalorisation effective du traitement mensuel. L’absence d’effet solde constitue une fracture entre l’administration et sa mission de justice sociale. Il est économiquement et moralement urgent de restructurer ces effets financiers, afin de redonner du sens à la notion de mérite et de progression professionnelle.
À la rentrée 2025-2026, la restauration de la dignité de l’enseignant ne peut faire l’impasse sur la matérialisation financière des droits reconnus. Toute autre posture relèverait d’un déficit de sincérité budgétaire et d’un mépris institutionnalisé de la valeur travail.
Tout bien considéré, la rentrée scolaire 2025-2026 doit marquer une rupture claire avec ce conglomérat d’incohérences. L’École de la Ve République doit cesser de malmener les enseignants. L’urgence est là, criante. L’heure n’est plus aux discours, mais à l’action concrète.
Youmou Potta, Citoyen gabonais.