Le rideau est tombé sur les neuf jours d’audience du procès des dix coaccusés dans l’affaire Bongo Valentin, plus connus sous le nom de la « Young Team ». La cour a rendu son verdict, prononçant des peines. Les principales figures de ce vaste dossier de détournement et de blanchiment – Ian Ngoulou, Mohammed Ali Saliou, et Abdul Oceni Ossa – ont été condamnées à 15 ans de réclusion criminelle, dont cinq assortis de sursis.
Si la sentence était attendue, l’épilogue du procès restera gravé dans les mémoires par son intense charge émotionnelle et morale. Juste avant les délibérations, la cour a donné la parole aux accusés pour leurs ultimes déclarations, transformant la barre en une tribune de repentance.
Des « monstres froids » aux hommes repentants
Jusque-là dépeints par le réquisitoire et les avocats de la partie civile comme des « monstres froids » et de « grands prédateurs des deniers publics », les accusés ont révélé une facette inattendue de leur humanité au moment du jugement.
C’est Mohammed Ali Saliou qui a donné le ton : « Je demande pardon au peuple gabonais », a-t-il lancé à la barre. Le même élan a été suivi par Abdul Océni Ossa, Jessye Ella Ekogha, Ian Ngoulou et les autres. Au-delà des mots, les frères Saliou et Oceni sont allés plus loin, s’engageant à mettre « tous les biens et argent amassés à la disposition du peuple gabonais ».
Cet exercice a permis de découvrir des visages et des voix d’une candeur inhabituelle, d’où transparaissait une sincérité déroutante. Les regrets, perçus comme vrais par de nombreux observateurs, ont humanisé ces figures au moment même où la justice les condamnait.
L’investissement local, un facteur atténuant ?
Un élément soulevé par un observateur de la vie publique gabonaise est venu enrichir la réflexion autour de ce dossier. Il a noté que les frères Oceni et Saliou, bien que d’origines étrangères, ont massivement investi leurs fonds au Gabon même.
« La plupart de nos compatriotes qui détournent vont investir ailleurs et n’ont quasiment rien sur le territoire national », a-t-il déploré, contrastant cette pratique avec la situation de Saliou, qui possède « toute une cité et plusieurs biens immobiliers » qui, une fois confisqués, pourraient se révéler « bien utiles aux Gabonais ». Cet argument, s’il n’efface en rien la faute, remet en perspective la nature du préjudice économique national.
Le procès de nos silences et de nos peurs
Au-delà de la culpabilité des condamnés, ce procès a soulevé la question de la responsabilité collective. Ces jeunes, qui ont saccagé les finances publiques, n’ont pu agir qu’avec la bénédiction de ceux qui détenaient les rênes des institutions et qui sont restés muets comme des carpes.
Comme l’a brillamment souligné Maître Andong Emane : « ce procès est le procès de nos silences ». C’est, pourrait-on ajouter, celui de nos peurs et de notre passivité face à un enrichissement scandaleux.
La lourde condamnation de Saliou, Oceni et Ngoulou, est, en fin de compte, un miroir. Ces hommes, condamnés pour détournement des fonds publics, sont le reflet d’un système et d’une société qui a laissé faire. L’idée que l’on aurait pu les laisser libres et démunis, les forçant à partager la condition du citoyen ordinaire, aurait pu servir de leçon d’humilité constante. La sentence est tombée, mais le débat sur la moralité publique et la responsabilité collective ne fait que commencer.


