Depuis plus de soixante ans, le manganèse coule à flots dans les caisses de Comilog et depuis 2012 dans celle de Nouvelle Gabon Mining. Mais à Moanda comme à Okondja, la pauvreté reste le seul bien durable.
Une richesse exploitée depuis des décennies, pour quels bénéfices ?
Depuis 1962, la Compagnie minière de l’Ogooué (Comilog), filiale du groupe français Eramet, exploite à Moanda l’un des plus vastes gisements de manganèse au monde. Chaque année, plus de 7 millions de tonnes sont extraites. De son côté, Nouvelle Gabon Mining (NGM) est arrivé en 2012 à Okondja, élargissant sa présence à Alanga et Aboumi. Il faut préciser qu’à sa création, NGM appartenait au groupe Shri Bajrang Power & Ispat Ltd, un conglomérat sidérurgique basé en Inde. Depuis, même si la structure de l’actionnariat a pu évoluer, l’entreprise reste sous contrôle indien, tant dans son management que dans ses capitaux.

Paradoxe : à Moanda les habitants se battent pour survivre…
Grâce à ces deux géants, le Gabon est aujourd’hui le deuxième producteur mondial de manganèse, derrière l’Afrique du Sud. En 2023, Comilog a engrangé près de 700 milliards de francs CFA de chiffre d’affaires, pendant que NGM affichait des bénéfices estimés à plus de 200 milliards. Pourtant, ces montagnes de revenus ne se répercutent ni sur les territoires ni sur les populations locales.
Moanda et Okondja : terres de pillage, terres oubliées
Moanda, vitrine du manganèse, est une ville aux allures trompeuses. A part la luxuriante Cité des Cadres, le lycée Henri Sylvoz, qui d’ailleurs accorde 95% de places uniquement aux enfants des cadres français, et quelques routes réhabilitées, la réalité est brutale. L’hôpital général tombe en ruine, le matériel médical est vétuste, les routes se désagrègent sous le poids des camions, et la gare ferroviaire tient par miracle. Les logements des employés, construits par Comilog, illustrent une précarité choquante.
Quant à Okondja, c’est le désert social. NGM n’a construit ni pont, ni école, ni hôpital, ni même un abribus. Les villages voisins – Mbabiri et Ondzeye – attendent toujours un signe de développement. Les ouvriers traversent encore la rivière Sébé en pirogue, dans le noir, sans sécurité, sans dignité. Recrutements sans garanti de CDI, une Responsabilité Sociétale des Entreprises(RSE) invisible, des salaires de misère et des conditions de travail frôlant l’esclavage. Quand on sillonne la ville d’Okondja, comme investissements de NGM, on compte quelques lampadaires dont l’éclairage laisse à désirer.

La manne du manganèse n’irrigue pas les quartiers.
Brice Clotaire Oligui Nguema : l’heure de la rupture
Face à cette injustice, le président Brice Clotaire Oligui Nguema a tranché : à partir de 2029, l’exportation de manganèse brut sera interdite. Fini le pillage. Place à la transformation locale, à l’industrialisation, à l’emploi des jeunes, à l’équité territoriale. Des partenariats avec les États-Unis, la Chine, le Japon sont en cours pour bâtir des usines sur place, former des Gabonais et valoriser chaque gramme extrait.
Le Gabon veut cesser d’exporter sa richesse pour importer sa pauvreté. Les entreprises minières n’ont plus le choix : s’adapter ou partir. Comilog doit aller plus loin, NGM doit rendre des comptes. L’ère de l’exploitation aveugle est terminée. Le sol gabonais appartient aux Gabonais, et c’est désormais le peuple, non les actionnaires, qui doit en tirer profit.
