Le procès de Sylvia Bongo, Noureddin Bongo Valentin et de leurs co-accusés s’ouvre ce lundi… mais en l’absence des deux premiers cités, principaux accusés. Interrogés, plusieurs Gabonais disent ce qu’ils attendent de cette affaire et s’ils croient à une justice réellement indépendante.
Etienne Ngomo (retraité)

Nous attendons ce procès avec beaucoup d’espoir, mais aussi avec une certaine lassitude. Nous voulons que la vérité éclate, que la justice aille au bout de ce qu’elle a commencé. Trop souvent, elle ouvre des dossiers sans jamais les refermer avec courage. Aujourd’hui, elle se retrouve face à elle-même, dos au mur. Elle doit choisir entre la complaisance et le courage, entre l’oubli et la vérité. Dire que le politique laissera la justice faire son travail, c’est peu probable, nous le savons.
Mais nous demandons à ces responsables, à ces décideurs, de laisser le pouvoir judiciaire travailler, sans pression aucune. Les Gabonais sont fatigués de ces vieilles pratiques où les intérêts personnels et politiques passent avant la vérité. Ce pays a besoin d’une justice forte, indépendante et équitable, et non pas d’une justice instrumentalisée. En somme, nous voulons une justice debout, une justice qui regarde le peuple dans les yeux, une justice qui ne tremble plus. C’est à ce prix seulement que le Gabon pourra tourner la page et espérer un véritable renouveau.
Serghes Mickala Moundanga (secrétaire nationale du Synaps)
Franchement, je n’attends pas grand-chose de ce procès. Lorsqu’on nous apprend qu’il y a eu des arrangements pour que la famille Bongo quitte le pays, alors même que la loi prévoit la liberté provisoire, on se rend compte qu’il y a beaucoup de zones d’ombre. On apprend qu’ils n’étaient même pas en prison, qu’il s’agissait plutôt d’accords. Et aujourd’hui, le procureur général affirme qu’avec ou sans leur présence, le procès aura lieu et que des mandats pourraient être lancés via Interpol pour les faire revenir au Gabon. Mais soyons sérieux, s’il s’agit vraiment d’Ali Bongo, de Sylvia ou même de leur fils, est-ce qu’on aurait le courage d’aller jusqu’au bout ? Je ne pense pas. Si l’État avait voulu les arrêter, il l’aurait déjà fait. On a vu des Gabonais être interpellés, jugés, puis remis en liberté sans que jamais un procès n’aboutisse. C’est souvent la même histoire : liberté provisoire, puis liberté définitive.
Pour moi, l’État devrait plutôt chercher à récupérer les fonds détournés, s’il y en a, au lieu de faire croire à un procès qui n’ira nulle part. Quant à la justice gabonaise, je n’ai pas foi en sa capacité à mener un procès transparent et sans interférences politiques. Si on allait vraiment au fond des choses, beaucoup de gens tomberaient, y compris dans les rangs de la justice et de l’administration. C’est tout un système où chacun a intérêt à ce qu’il n’y ait pas de véritable justice. On ne peut pas juger seulement Sylvia et Noureddin, parce qu’ils n’ont pas agi seuls. Derrière eux, il y a des hauts cadres gabonais, des décideurs dans les ministères, à la présidence, à la primature, au ministère de la Défense, qui ont contribué à la gestion de ce système. Ces gens sont toujours là et ne veulent pas que le procès ait lieu. C’est pourquoi, je pense qu’il n’y aura ni poursuites réelles, ni condamnations, parce que trop de personnes influentes sont impliquées dans cette affaire.
Guy Serge Mbadinga (enseignant)

Concernant le procès de Sylvia et Noureddin Bongo, j’attends avant tout qu’il constitue un moment déterminant pour notre justice. Ce procès représente, à mes yeux, un véritable test de sa capacité à garantir les principes fondamentaux sur lesquels repose tout État de droit : l’impartialité, la transparence et le respect des droits fondamentaux de chacun, qu’il s’agisse des accusés ou des co-accusés. Au-delà des faits eux-mêmes, c’est la crédibilité de notre système judiciaire qui se trouve engagée. La question essentielle est de savoir si notre justice saura mener ce procès en toute indépendance, à l’abri de toute pression ou interférence politique. Nous sommes aujourd’hui à un moment charnière : soit notre justice démontre son autonomie et sa capacité à juger de manière équitable, renforçant ainsi la confiance des citoyens dans ses institutions ; soit, au contraire, elle alimente les craintes selon lesquelles elle pourrait être instrumentalisée à des fins politiques. En somme, ce procès n’est pas seulement une affaire judiciaire, mais aussi un symbole du rapport que notre société entretient avec la justice, la vérité et la démocratie.
Théodore Ekomi Nang (soudeur)
De ce procès, nous n’attendons qu’une seule chose : la vérité, toute la vérité et rien que la vérité. Malheureusement, cela semble compromis, car les principaux concernés sont absents. Cette absence jette une ombre sur la crédibilité du procès et sur la possibilité de faire toute la lumière sur les faits. Honnêtement, nous en doutons. Les interférences politiques et affairistes sont encore trop présentes dans le fonctionnement de la justice gabonaise. De plus, certains intérêts étrangers, notamment ceux du Maroc, semblent peser sur cette affaire. Dans ces conditions, il est difficile d’imaginer un procès pleinement transparent, indépendant et équitable.
Igor Bouthé Ata (à la recherche d’un emploi)

Ce que j’attends, avant tout, c’est que la justice effectue réellement son travail. Qu’elle aille jusqu’au bout, qu’elle soit ferme et impartiale. S’il y a des fautes, qu’il y ait des inculpations, tout simplement. Ce procès est une occasion pour la justice de prouver son indépendance, parce que beaucoup de Gabonais ont des doutes. Il faut donc laisser la justice agir, sans pression, ni influence. Je ne pense pas que le pouvoir politique doive ou puisse influencer la justice. Au contraire, les dirigeants doivent rester à l’écart et laisser la justice suivre son cours. Mon conseil est simple : que le politique ne s’ingère pas. La justice doit être libre. C’est à ce prix qu’elle pourra regagner la confiance des citoyens.
Elie Madouma Mamba (entrepreneur)

Comme beaucoup de mes compatriotes, je sais que le procès de Madame Sylvia Bongo et de son fils Noureddin s’ouvre ce lundi 10 novembre, malgré l’absence des principaux accusés. Ce que nous attendons, c’est tout simplement que la justice fasse son travail. Le président l’a souvent rappelé : le Gabon est un État de droit, et nul n’est au-dessus de la loi. Lorsque quelqu’un commet une faute, il doit répondre de ses actes devant la justice. La politique a son domaine, la justice aussi a le sien. Normalement, ce sont des organes indépendants qui doivent travailler chacun de leur côté. La justice est un pouvoir libre et, aujourd’hui, le peuple attend un exemple fort : que la loi s’applique à tous, sans distinction.
Marie Claire Mengue Mbia (Juriste)
Vous savez, dans cette affaire, il se dit que Sylvia et Noureddin Bongo ne sont jamais allés en prison. Pourquoi cela choque ? D’aucuns disent qu’ils étaient assignés à résidence, ce qui est une mesure prévue par la loi gabonaise. L’article 143 du Code de procédure pénale permet justement au juge d’imposer une liberté surveillée quand la détention n’est pas nécessaire. Et au regard de leur statut, de leur profil et des enjeux de représentation, c’était même la mesure la plus cohérente. Cela montre que la justice gabonaise peut appliquer la loi avec proportionnalité, sans céder ni à l’arbitraire ni à la pression. Quand le président du Conseil supérieur de la magistrature, Brice Clotaire Oligui Nguema le dit en audience avec les concernés, cela ne devrait choquer personne sauf ceux qui voient la manipulation partout.
Propos recueillis par Darelle Mamba




