La Compagnie nationale de navigation intérieure et internationale (CNNII) a annoncé la fin de son partenariat avec le groupe EBOMAF. Une rupture qui dépasse le simple aspect contractuel et ouvre un nouveau chapitre dans la maîtrise gabonaise de son transport maritime.
La nouvelle est tombée le 20 août 2025 : la CNNII a mis un terme à son partenariat avec le groupe burkinabè EBOMAF. Dans un communiqué officiel, la compagnie publique « informe l’opinion publique, ses partenaires et l’ensemble de ses usagers de la cessation du partenariat qui la liait au Groupe EBOMAF ». La décision, prise « après évaluation conjointe et en toute sérénité », répond à une volonté « de réorienter les priorités stratégiques de chaque entité, dans le respect des engagements passés ».
La CNNII se veut rassurante. Elle affirme que « cette évolution n’affectera en rien la continuité de ses activités, ni la qualité des services rendus au public ». La société assure rester « pleinement engagée dans sa mission de développement du transport fluvial, maritime et logistique au Gabon ». Enfin, la Direction Générale « salue la collaboration menée avec le Groupe EBOMAF et réaffirme son engagement à poursuivre ses projets de modernisation, dans le respect des normes, des attentes des usagers et de la stratégie nationale ».
EBOMAF, ambitions et désillusions
Si le communiqué évoque une séparation à l’amiable, la réalité est plus nuancée. EBOMAF, dirigé par l’homme d’affaires burkinabè Mahamadou Bonkoungou, s’est installé au Gabon en août 2024 avec l’ambition de relancer le transport maritime. Le groupe, déjà présent dans le BTP et l’aviation, avait obtenu une concession de 20 ans pour moderniser la CNNII, avec l’arrivée annoncée d’un ferry de 500 places et 150 véhicules.
Mais très vite, les tensions ont éclaté. Les employés de la CNNII ont dénoncé une « gestion mafieuse », accusant EBOMAF de violations du droit du travail, de suppression d’acquis sociaux et du non-paiement d’arriérés de salaires. Les syndicats ont aussi pointé une opacité inquiétante dans la gouvernance, où les décisions semblaient prises en dehors de la direction officielle.
De son côté, EBOMAF s’est défendu en affirmant que la concession n’était pas encore effective. L’État gabonais n’aurait pas levé certaines conditions contractuelles, notamment l’apurement des dettes sociales et la remise des titres fonciers nécessaires. En conséquence, le groupe avait placé les recettes de la CNNII sur un compte séquestre, alimentant la méfiance.
Souveraineté retrouvée
À ces blocages se sont ajoutés des obstacles logistiques. Le super-ferry M/V Obang, inauguré en grande pompe en août 2024, n’a jamais pris la mer. Son tirant d’eau de cinq mètres ne lui permettait pas d’accoster dans les ports de Libreville et Port-Gentil, faute d’aménagements adaptés. Un fiasco qui a illustré l’écart entre les annonces et la réalité.
Enfin, au-delà des difficultés sociales et techniques, une question de souveraineté s’est posée. Nombre d’observateurs ont critiqué la mise sous gestion étrangère d’un secteur aussi stratégique que le transport maritime national. Pour l’État gabonais, reprendre la main sur la CNNII apparaît comme un acte de souveraineté logistique et économique.
En rompant son partenariat avec EBOMAF, le Gabon ne tourne pas seulement une page d’expériences contrariées. Il affirme surtout sa volonté de contrôler lui-même son transport maritime, secteur vital pour son économie et symbole de sa souveraineté retrouvée.
