On nous répète sans cesse que l’uniformisation des coefficients et la lutte contre le redoublement seraient la panacée pour sauver notre système éducatif. Mais la vérité est ailleurs. Les coefficients uniformes ne transformeront pas une école où l’enseignant manque de moyens, où les manuels sont rares et obsolètes, où les élèves n’ont ni curiosité ni accompagnement. Le redoublement n’est pas le mal : c’est souvent un cri silencieux, le signal d’un apprentissage bâclé, d’un système qui oublie l’enfant derrière les chiffres. À quoi me servirait-il de rappeler l’évidence : le redoublement et les conditions de vie de l’apprenant ne sont-ils pas aussi liés ?
Les failles de l’orientation et de la pédagogie
Et que dire des orientations proposées après la classe de 3ᵉ ? L’enseignement secondaire ne propose que deux filières : scientifique et littéraire. Que fait-on des génies en arts plastiques, en musique, en théâtre, ceux qui ont d’énormes aptitudes sportives, mais de grandes faiblesses en sciences fondamentales ou en littérature ? Où les oriente-t-on pour leur épanouissement ? À quoi sert d’orienter un élève en série S s’il terminera son cycle sans jamais toucher ne serait-ce qu’un doseur d’eau dans un laboratoire ? Comment expliquer que 95 % des nouveaux bacheliers des séries littéraires aient un niveau d’expression en français si faible, en deçà de la plante des pieds ? Et qu’est-ce qui fait qu’un enseignant, sorti de l’École normale des instituteurs (ENI) ou de l’École normale supérieure (ENS), confonde toujours les pronoms LE, LA, LUI, LES et LEUR dans une phrase simple ?
Il est bien beau de s’enorgueillir du fait que la France, les États-Unis, le Japon, etc., ont un système éducatif à « coefficient zéro », mais allez savoir les moyens qu’ils investissent dans la recherche scientifique et pédagogique, dans la formation qualitative et quantitative des enseignants, dans le perfectionnement des outils didactiques et dans l’adaptation des enseignements aux enjeux du monde moderne et aux défis environnementaux à venir.
Les vrais piliers d’un système éducatif fort
Un système éducatif fort ne se mesure pas à ses coefficients, mais à sa capacité à donner à chaque élève les outils, le soutien et l’encadrement pour apprendre et grandir. Tant que nous persisterons à croire que réduire le redoublement ou uniformiser les coefficients suffira, nous continuerons à masquer l’essentiel : l’absence de formation des enseignants, l’insuffisance des infrastructures, la pauvreté des contenus et le manque d’ambition pédagogique réelle. Voulez-vous que je vous parle de l’École normale supérieure, transformée sans vision en simple institut ? Non : parlons plutôt d’une formation de formateurs… sans même une simple connexion Wi-Fi.
Arrêtons de jouer avec des chiffres et des labels. Si le Gabon veut un système éducatif digne, il doit regarder en face ses vrais défis et cesser de croire qu’un simple ajustement de coefficient et l’introduction cabalistique de l’Approche par compétences (APC) changeront l’avenir de ses enfants.
Youmou Potta, Enseignant