Pendant qu’Ali Bongo Ondimba jouait à la monarchie républicaine, des dettes colossales s’accumulaient dans l’indifférence, sans investissement structurant. Aujourd’hui, l’État gabonais doit solder une ardoise judiciaire de plus de 87 milliards FCFA, fruit d’une gouvernance de façade.
Quatorze années d’un pouvoir dispendieux et népotique
Avant même son accident vasculaire cérébral de 2018, Ali Bongo Ondimba avait déjà confisqué la République au profit de sa famille. Entre fastes présidentiels, jet-set diplomatique et favoritisme érigé en système, le chef de l’État s’est illustré par une gestion erratique et désinvolte du pays. La République a été progressivement confiée à son épouse Sylvia Bongo et à leur fils Noureddin, tandis que les urgences nationales étaient ignorées.
Les financements obtenus auprès des bailleurs internationaux, censés impulser les grands travaux ou payer les entreprises prestataires, ont souvent été dévoyés pour entretenir les privilèges d’un cercle restreint. Ce détournement de l’argent public s’est soldé par une série de contentieux internationaux, devenus aujourd’hui de véritables pièges financiers.
Des dettes astronomiques laissées par le régime Bongo
Parmi les plus emblématiques, l’affaire KCI, née en 2016, incarne l’incurie de l’État. Après la rupture de contrats d’ingénierie non exécutés, seule une somme de 5,5 millions d’euros a été réglée en 2019. Le reste – près de 35 millions d’euros, soit environ 23 milliards FCFA – demeure impayé. Résultat : saisie conservatoire de l’Hôtel Pozzo di Borgo à Paris, tentative de blocage de vente à Bernard Arnault, menace de vente aux enchères… Ce dossier fragilise directement le patrimoine diplomatique du pays.
Le cas Webcor, encore plus opaque, illustre la dérive du système. Un accord de 65 milliards FCFA aurait été signé en janvier 2024, sans le moindre début de paiement. Pire, des poursuites pour « concussion » et « haute trahison » ont été ouvertes contre les signataires gabonais, ajoutant une dimension pénale à cette affaire économique.
Autre exemple : Santullo-Sericom, un feuilleton judiciaire de longue haleine. En 2022, le Gabon obtient l’annulation d’une sentence arbitrale de 101 milliards FCFA. Mais les affaires liées se multiplient : près de 65 milliards FCFA d’avoirs sont gelés en Suisse, et les enquêtes pénales se poursuivent à Libreville pour blanchiment et marchés fictifs.
Enfin, le cabinet américain Bryan Cave LLP exige 1,25 million de dollars (750 millions FCFA) pour des services de lobbying fournis en 2016. La justice américaine a tranché en sa faveur, mais le paiement se fait attendre, alors que les intérêts s’accumulent.
Une dette d’État, un fardeau hérité
Oui, les dirigeants passent, mais les obligations d’État demeurent. Et personne ne saurait blâmer le général Brice Clotaire Oligui Nguema pour cet amas de contentieux légué par une gestion ruineuse. Arrivé au pouvoir le 30 août 2023 dans un pays au bord de l’asphyxie budgétaire, il doit aujourd’hui gérer les séquelles d’un système à bout de souffle.
Les créances, estimées à plus de 87 milliards FCFA, soit 1,2 % du PIB, représentent un gouffre pour les finances publiques. Il revient désormais à la transition de rétablir la crédibilité du pays en honorant, ou renégociant, ces dettes. Car si Ali Bongo avait poursuivi son règne, le Gabon aurait probablement explosé les plafonds d’endettement à 500 % du PIB, dans un déni total de réalité économique.
La justice comme devoir de mémoire
Ce passif ne saurait rester impuni. Oligui Nguema détient de solides raisons d’ouvrir une procédure contre Ali Bongo pour gestion calamiteuse et endettement délibéré du pays sans contrepartie économique. Celui qui se glorifiait sur le pont de Mayumba – financé par Santullo – n’avait pas payé ses dettes, tout en feignant de surpasser son père Omar Bongo en kilomètres de routes.
Derrière les contentieux se cachent des drames : entreprises étranglées, chantiers abandonnés, réputation ternie. Le Gabon doit certes honorer ses engagements, mais l’histoire retiendra qu’Ali Bongo est l’unique artisan de ce désastre financier. Il ne mérite ni compassion, ni silence : il mérite des comptes à rendre.
Les dettes seront réglées, car la République est un engagement permanent. Mais l’ardoise laissée par Ali Bongo, elle, restera comme la preuve accablante d’une présidence de façade, où l’État fut confondu avec la famille, et le pouvoir exercé comme un privilège héréditaire.
