Alors que l’agence Fitch Ratings prévoit une explosion de la dette publique à près de 87 % du PIB d’ici 2027, le Gabon s’enfonce dans une zone de turbulences. Entre manque de transparence et corruption endémique, l’emprunt n’est plus une option de gestion, mais une bombe à retardement sociale. Dans cette tribune, l’économiste Arthur Ndougou interpelle : jusqu’à quand financerons-nous l’échec par une dette qui nous étrangle sans jamais nous développer ?
On ne peut plus continuer à parler de la dette publique comme d’un simple sujet technique réservé aux experts. Au Gabon, l’endettement n’est plus un instrument de développement : il est devenu un mode de gouvernance par défaut, une fuite en avant dont les citoyens paient le prix chaque jour. La question n’est plus de savoir si l’État peut encore emprunter. La question est désormais brutale : jusqu’à quand allons-nous financer l’échec par l’emprunt ?
Une dette qui n’a pas changé la vie des Gabonais
Après des années d’endettement, que reste-t-il concrètement ?
* Une économie toujours dépendante du pétrole,
* Un chômage massif des jeunes,
* Des services publics dégradés,
* Un pouvoir d’achat en chute libre.
Si la dette était réellement un levier de développement, ces réalités auraient changé. Or, elles persistent. Cela signifie une chose simple : la dette contractée n’a pas produit la richesse promise. Une dette qui ne transforme pas la vie des citoyens n’est pas un investissement. C’est une charge reportée.
Le mensonge des “ratios soutenables”
On nous parle de dette “maîtrisée”, de seuils “acceptables”, de normes internationales. Mais les Gabonais, eux, vivent une autre réalité : celle d’un État étranglé par le service de la dette.
Quand rembourser devient prioritaire sur la santé, l’éducation, l’emploi et les infrastructures de base, alors la dette n’est plus soutenable, quels que soient les tableaux Excel. Le vrai seuil critique, c’est quand l’État rembourse avant de servir son peuple.
Taxer pour masquer l’échec
Face à cette impasse, la solution choisie est presque toujours la même : taxer davantage. Taxes indirectes, contributions multiples, prélèvements sur l’eau, l’électricité, le logement. La dette est silencieusement transformée en impôt, payé par ceux qui n’en ont jamais profité.
C’est une injustice économique et sociale majeure : les ménages s’appauvrissent, l’activité recule, l’État s’enferme dans un cercle vicieux. On ne rembourse plus la dette par la croissance, mais par l’appauvrissement.
Une dette sans visage, sans responsabilité
Qui décide de l’endettement ? Qui contrôle son utilisation ? Qui rend compte de ses résultats ? Trop souvent, la dette n’a ni visage politique ni bilan public. Elle engage le pays pour des décennies, mais n’engage personne personnellement. Dans ces conditions, l’emprunt devient un outil dangereux : on emprunte aujourd’hui, d’autres paieront demain.
Le risque n’est plus seulement économique, il est social.
Une dette improductive n’est pas neutre. Elle fragilise la cohésion sociale, alimente la colère silencieuse et mine la confiance dans l’État. Un peuple peut accepter des sacrifices s’il voit un horizon. Mais aucun peuple n’accepte durablement de payer sans comprendre ni bénéficier.
Assez de faux-semblants
Le Gabon n’est pas condamné à la dette. Il est prisonnier de choix politiques qui préfèrent l’emprunt à la réforme, le court terme à la transformation, l’opacité à la responsabilité. Il est temps de dire clairement :
* Non à la dette pour financer le fonctionnement,
* Non à la dette sans contrôle parlementaire réel,
* Non à la dette sans bénéfice économique et social mesurable.
Conclusion : poser la limite
La dette doit redevenir ce qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être : un outil exceptionnel, strictement encadré, orienté vers la production de richesse. Tout le reste n’est qu’une fuite en avant.
Un État qui vit d’emprunts sans résultats ne prépare pas l’avenir : il hypothèque le présent.
Arthur Ndougou, Economiste et Financier

