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vendredi, 19 décembre 2025
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    [Tribune libre] Afrôtopia : Nous regarder tels qu’en nous-mêmes

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    Dans cette tribune libre, Jean Claude Mpaka, figure mythique du cinéma gabonais (L’Auberge du salut) et actuel Conseiller technique du ministre de la Communication et des Médias, livre une analyse profonde du film Afrôtopia de David Mboussou. À travers ce miroir cinématographique, il interroge l’urgence de préserver notre héritage immatériel et le défi de la survie d’une industrie nationale aujourd’hui orpheline de ses salles.

    Dans l’île-État de Tuvalu, dans les Caraïbes, menacée d’engloutissement suite au réchauffement climatique, les autorités au plus haut sommet du pays ont décrété la digitalisation de tous les savoirs caractérisant les habitants de ces terres immergées, afin de les transmettre à la postérité lorsque l’île aura disparu avec le temps.

    À l’est de la République démocratique du Congo, une équipe de psychologues a entamé une thérapie pour les traumatisés de la longue guerre civile qui ensanglante la région depuis des décennies, par des séances de projection de films aux thématiques appropriées. Au cours d’un repas ayant réuni des convives, le maître des lieux s’est vivement exclamé : « Remets-nous ce morceau ! ». Pas de viande, mais… de musique.

    Comme quoi, l’héritage matériel et immatériel de tout peuple, à l’échelle planétaire, en constitue l’essence inaliénable sans laquelle celui-ci ne serait plus. La projection en « première » du film Afrôtopia du réalisateur gabonais David Mboussou à l’Institut français du Gabon, du 26 au 29 novembre 2025, et qui a chaque fois rempli la grande salle de 400 places de cet établissement de promotion culturelle, confirme cette assertion.

    Le septième art comme miroir identitaire

    En effet, que de rires, de pleurs, de silences à chacune des séances de projection de ce long-métrage où le génie du texte, de la réalisation, du jeu des acteurs et de la production a créé cet effet de magie. Car le cinéma, c’est une somme d’émotions fortes, vécues profondément, qui permet au public de faire corps avec un rôle, un personnage, et de s’identifier à un modèle. C’est également cela qui permet au 7e Art d’influencer le comportement de tout un peuple. C’est enfin la preuve par mille que le cinéma est un soft power d’une puissance insoupçonnée pour fédérer une population autour d’un idéal à dimension nationale.

    Lorsque Cheikh Anta Diop, l’égyptologue et écrivain sénégalais bien connu, publiait en 1954 son livre au retentissement mondial Nations nègres et culture, ce devait être sans conteste dans le dessein de reconstruire l’identité des peuples noirs du monde, castrés de leur dignité et de leurs croyances essentielles — l’animisme — par les Aryens, les Blancs, alors que c’est leur âme profonde. Le lien majeur avec la vie. La vie depuis les divers commencements jusqu’aux diverses évolutions des sociétés à travers le temps.

    Afrôtopia rappelle l’importance du relais harmonieux entre hier et aujourd’hui. L’imbrication irréversible de l’Occident sur notre être, sans pour autant nous faire aucunement oublier d’où nous venons. La science moderne ne peut se permettre de tourner le dos au Ndjobi, au Mvett, au Ndjembé, à l’Ikokou. Ce sont nos repères impérissables pour l’enseignement de la puissance de la parole donnée, du mystère de la fécondité, de l’incarnation et de l’exercice du pouvoir, de la communion avec le monde invisible.

    Du rapport fécond entre le Bantu et le Pygmée, dont la destruction de l’habitat originel nous met face à l’imminence de la perte des encyclopédies que sont la maîtrise des plantes dans leurs vertus infinies : médicinales, transcendantales, euphorisantes… Cette forêt précieuse qui est à la fois leur pharmacie, leur supermarché, leur bureau, leur arène pour les jeux. Leur intégration dans les villages dits modernes peut constituer une solution transitoire, mais qu’est-ce qu’on fait de tout ce qu’ils laissent derrière eux ?

    Le défi de la pérennité et de la distribution

    Afrôtopia est une merveille dans l’écriture, la réalisation, le jeu des acteurs et la production. Mais pour quelle postproduction ? Pourquoi faire de si bons et beaux films si on ne peut les distribuer ? S’il n’y avait pas eu l’Institut français du Gabon, où se serait déroulée la « première » si mémorable de ce film ?

    Nous avons transformé toutes nos salles de cinéma, même les plus mythiques, en lieux de culte. Les financements sont problématiques et les plus fous du cinéma sont condamnés à l’autoproduction. Aux plus hautes autorités de la République de prendre à bras-le-corps cette problématique déterminante, synonyme du dilemme majeur : être ou ne pas être.

    Jean Caude Mpaka, Conseiller technique du ministre de la Communication et des Médias

    NB : les intertitres sont de la Rédaction

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