Des informations récentes liées à l’affaire Sylvia Bongo et Noureddine Bongo Valentin, notamment l’aveu de l’ancien Directeur Général des Impôts, affirmant avoir réduit illégalement la dette fiscale de Gabon Telecom, viennent profondément bouleverser le dossier qui oppose les travailleurs temporaires à Gabon Telecom (entreprise utilisatrice) et à Intérim Service Plus (entreprise de placement de personnel temporaire).
Ces deux entités sont, il faut le rappeler, coresponsables, conformément à l’article 31 du Code du travail gabonais, qui établit clairement la responsabilité conjointe de l’entreprise utilisatrice et de l’entreprise de placement en cas de violation des règles encadrant le travail temporaire.
Ces révélations renforcent, de manière incontestable, la position des travailleurs précarisés, longtemps ignorés, et démontrent que le litige social s’inscrit désormais dans un contexte beaucoup plus large de dérives et de manquements systémiques.
Selon les articles 31 à 39 du Code du travail, plusieurs travailleurs affectés par Intérim Service Plus au sein de Gabon Telecom, et occupant des postes à caractère permanent, auraient dû être requalifiés en CDI. Ce manquement constitue une faute partagée entre les deux entreprises :
• Intérim Service Plus, pour avoir prolongé indûment des missions temporaires ;
• Gabon Telecom, pour avoir utilisé abusivement ces travailleurs sur des postes relevant normalement de son personnel permanent.
Pourtant, au lieu d’assumer cette coresponsabilité légale, les deux entreprises ont laissé des licenciements abusifs se produire, plongeant des familles gabonaises dans la précarité.
Le Tribunal du travail, malgré la clarté de la loi, a paradoxalement choisi de soutenir la position de Gabon Telecom, légitimant ainsi un système d’impunité sociale désormais exposé au grand jour.
Aujourd’hui, il faut souligner un paradoxe éclatant : depuis la privatisation, Gabon Telecom a enregistré des chiffres d’affaires additionnels énormes, cumulant des centaines de milliards de francs CFA, sans que ces profits colossaux n’aient servi à améliorer la situation de ses employés ou à régulariser ses obligations fiscales et sociales.
Comment expliquer qu’une entreprise générant de tels profits refuse de régler un dossier social pourtant évident, tout en bénéficiant, selon les révélations judiciaires, d’arrangements fiscaux illégaux ?
Un opérateur déjà sous pression réglementaire : la mise en demeure récente de l’ARCEP
À ces dérives sociales et fiscales s’ajoute désormais un autre lourd grief : la mise en demeure récente de l’ARCEP contre Gabon Telecom, pour manquements graves à ses obligations de qualité de service et de couverture.
Cette décision confirme que les difficultés de Gabon Telecom ne se limitent pas aux aspects fiscaux ou sociaux : elles touchent également aux engagements envers les consommateurs et l’État.
Un moment décisif pour l’État gabonais
Dans ce contexte, l’État gabonais détient aujourd’hui une opportunité historique : celle de revisiter, auditer et dénoncer si nécessaire la procédure de privatisation de Gabon Telecom.
Il est légitime de s’interroger : comment une entreprise privatisée peut-elle se permettre d’enfreindre simultanément la loi fiscale, la loi sociale et désormais les obligations réglementaires, tout en récoltant d’énormes bénéfices, dans un secteur stratégique comme les télécommunications ?
La privatisation de Gabon Telecom s’est traduite par :
• une captation privée des bénéfices,
• une précarisation massive des travailleurs gabonais,
• et un affaiblissement du contrôle de l’État sur un secteur vital.
Les révélations actuelles offrent donc au gouvernement les leviers pour :
• Auditer la privatisation,
• Identifier les responsabilités politiques, administratives et économiques,
• Corriger les injustices sociales,
• Réparer les préjudices fiscaux,
• Et, au regard des violations constatées, dénoncer les accords passés qui ont conduit à cette dérive.
Pour la justice sociale, la souveraineté et pour le Gabon
L’affaire des travailleurs temporaires dépasse désormais la dimension du droit du travail :
c’est un test pour l’État, pour la justice, et pour la souveraineté du pays.
Elle symbolise la confrontation entre un Gabon nouveau, attaché à la transparence et à la justice, et un système ancien qui a précarisé ses enfants et pillé ses ressources.
L’heure est venue de restaurer la dignité des travailleurs, l’autorité de la loi et l’intégrité de l’État.
Jocelyn Louis NGOMA
Secrétaire Général de la FETRAG
Certifié ACTRAV / OIT


