Ce questionnement est de saison. Tant, la responsabilité du pays de Gaulle dans le sous-développement de ses anciennes colonies est devenue une antienne. Et pourtant, il suffit de dérouler le tapis de la gouvernance de nos Etats pour se convaincre du contraire.
Le sentiment anti-français qui traverse les pays francophones n’est pas une vue de l’esprit. Héritage colonial, rapports asymétriques, exploitation des ressources : tout cela a existé, et personne ne peut le nier. Oui, la France a longtemps profité du pétrole, du bois ou du manganèse gabonais pour asseoir son développement. Mais l’honnêteté intellectuelle impose d’aller au-delà des réflexes faciles : une grande partie de notre sous-développement porte notre propre empreinte.
Qui peut affirmer avoir subi des injonctions françaises pour détourner les budgets destinés aux routes, aux écoles ou aux hôpitaux ? Quel dirigeant français a demandé à des responsables gabonais de siphonner la Caisse nationale d’assurance maladie et de garantie sociale (CNAMGS) au point d’asphyxier pharmacies et hôpitaux ? Aucun.
La corruption, le népotisme, l’enrichissement illicite et le blanchiment des capitaux ne sont pas des constructions importées : ils sont l’œuvre de nos propres élites.
En 2009, Ali Bongo Ondimba trouve 290 milliards dans le Fonds des générations futures : un pactole qui disparaît sans laisser les traces d’investissements structurants. Entre 2009 et 2023, le Gabon a disposé de milliers de milliards de budget, additionnés à d’innombrables prêts. Pour quel résultat ?
Le procès Bongo-Valentin a mis en lumière un système de prédation où une poignée d’individus a confondu trésor public et comptes personnels. En remontant plus loin, l’affaire des biens mal acquis d’Omar Bongo Ondimba finit de convaincre : notre mal est d’abord endogène.
Pourtant, lorsque la volonté politique existe, les avancées suivent. Ali Bongo, malgré une gouvernance aléatoire, a jeté les bases d’une industrialisation du bois sans que la France ne s’y oppose. Aujourd’hui, Brice Clotaire Oligui Nguema fixe des caps clairs : fin des importations de poulet en 2027, arrêt de l’exportation du manganèse brut en 2029. Preuve qu’avec une vision, le Gabon peut reprendre la main.
Accuser donc la France est confortable. Se regarder en face est plus difficile, mais indispensable pour construire, enfin, notre propre développement.


