Incroyable, le Gabon était-il donc gouverné « comme ça-là » ? Du 10 au 18 novembre dernier, le procès Bongo–Valentin a agi comme un électrochoc national. Chaque audience a dévoilé ce que les Gabonais soupçonnaient sans jamais imaginer l’ampleur : un pillage méthodique, organisé, assumé de l’Etat. Ce n’est plus un procès, c’est l’autopsie d’un système qui a transformé l’État en caisse personnelle.
Les révélations sidèrent : des milliards évoqués comme pourboires, bonus pétroliers distribués sans contrôle, des SCI détenant villas et immeubles, des comptes débordant de centaines de millions, parfois de milliards de francs.
Plus saisissant encore, les accusés eux-mêmes reconnaissent ces montants astronomiques avec une désarmante normalité, comme s’il allait de soi qu’un responsable public possède dix villas ou touche deux milliards « pour une mission ».
L’indécence éclate lorsqu’on compare ces fortunes privées aux réalités du pays : routes non bitumées, pharmacies refoulant les assurés de Caisse nationale d’assurance maladie et de garantie sociale (Cnamgs), écoles délabrées, villes consommant l’eau des forages dans un pays où il pleut entre neuf et dix mois dans l’année, délestages électriques quotidiens. Ce contraste transforme chaque chiffre énoncé en coup de poignard. Seigneur Dieu, qui a maudit…ce territoire de cette « façon-là » ?
Des vies compromises
Que de sommes perdues, équivalant à des infrastructures jamais construites, des médicaments jamais achetés, des vies compromises.
Le procès révèle surtout une faillite morale profonde. Pendant un demi-siècle, un réseau de connivences administratives, bancaires et politiques a permis le siphonnage continu des ressources publiques. Le détournement n’était pas une dérive : c’était une méthode. La vraie question est désormais : que fait un pays qui découvre qu’il a été trahi par son propre système ?
La réponse ne peut pas se limiter à quelques condamnations. Le sens de ce procès doit être fondateur : transparence totale des finances publiques, audits réguliers, traçabilité numérique, protection des lanceurs d’alerte, renforcement de la Cour des comptes, contrôle citoyen et publication systématique des revenus extractifs.
Le peuple ne réclame ni vengeance, ni spectacle. Il exige la vérité, la justice et la garantie que plus jamais un clan ne pourra confisquer sa richesse. Ce procès doit marquer la frontière entre un avant et un après. Il doit être le moment où le mot République retrouve, enfin, sa signification : un État qui protège, contrôle et ne tolère plus l’ombre.
Maintenant, face à l’indécence assumée des fossoyeurs de la République, nous devons, collectivement et individuellement assurer notre devoir : les dénoncer !

